vendredi 25 mars 2011

MILLIARDAIRES ET BALLERINES


ENTRETENIR UNE DANSEUSE, UNE SOURCE D'IDENTITÉ, DE
PRESTIGE ET DE CRÉDIT

 « ...Monsieur Leuwen, le riche banquier qui entretient 
Mademoiselle des Brins, de l'Opéra... »
-- Lucien Leuwen de Stendhal, 1834

Le deuxième acte terminé, les abonnés rencontrent les danseuses en coulisse, ou dans une salle spécialement créée à cet usage :

Les Coulisses de l'Opéra de Jean Béraud, 1889, musée Carnavalet

  •  L'idéalisation de ces rencontres a contribué à la célébrité de Paris pour le libertinage de luxe :

Le Foyer de la Danse, archives de l'Opéra

La salle « est destinée à servir de cadre aux gracieux essaimes de ballerines [...] on dirait un kaléidoscope quand elles s'entremêlent de mille et mille manières. » 

-- Charles Garnier
  • Vu par Degas 

À l'exposition Degas à l'Opéra" au musée d'Orsay

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Ces ballerines, « l'élite des plaisirs parisiens »

  • « ...sa mère, comme j'ai appris depuis, à mon horreur, était une danseuse à l'Opéra » 
-- Dit de Becky Sharp, l'aventurière de La Foire aux vanités, 
par W.M. Thackeray, Londres 1848

De Degas

  •  « C'est ma danseuse... » 

L'expression évoque une activité qui exige d'immenses ressources ou efforts, et ne donne rien en retour. Elle se réfère aux demandes exorbitantes des danseuses.


De milieux humbles, généralement illettrées, les ballerines n'ont laissé aucun témoignage et nous les connaissons que par les hommes qui les méprisaient.

Elles les méprisaient en retour. Le ruban noir de la jeune femme ci-dessus rappelle le collier de chien, c'est-à-dire, « Nous savons ce que vous pensez de nous. Nous ne vous aimons pas non plus ».
-- Nadège Maruta, 
chorégraphe et historienne du french cancan, communication personnelle

  • La vengeance de danseuses et de courtisanes : « À chaque bouchée, Nana dévorait un arpent... 

Elle passait, pareille à une de ces nuées de sauterelles dont le vol de flamme rase une province. Elle brûlait la terre où elle posait son petit pied. Ferme à ferme, prairie à prairie, elle croqua l'héritage [...] comme elle croquait entre les repas, un sac de pralines posé sur ses genoux [...] mais un soir, il ne restait qu'un petit bois. Elle l'avala d'un air de dédain, car ça ne valait même pas la peine d'ouvrir la bouche. »
-- Nana de Émile Zola, 1880

La coutume commence son déclin quand les « filles de l'Opéra »
font grève avec le reste du personnel, et obtiennent des salaires décents : des lettres furieuses d'abonnés montrent que beaucoup
d'entre elles refusent alors ce « mécénat ».
(En 1912) 

Il disparaît quand Jacques Rouché, un protestant austère devenu directeur, supprime les privilèges des abonnés en finançant les spectacles lui-même.
(Années 1930) 
-- Pascal Payen-Appenzeller,
 historien de Paris, communication personnelle

Quand Rouché vient au bout de ses ressources,
l'État prend la relève.

(En 1939)

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Suite,



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