jeudi 25 juin 2015

IV.2.2. LA PREMIÈRE LUTTE OUVRIÈRE CONSCIENTE ET LE DÉBUT DES MASSACRES MODERNES

MENU : 4.2.2. Première lutte ouvrière consciente 

L'INSURRECTION QUE LES HUMBLES 
APPELAIENT SIMPLEMENT « JUIN »
TERRORISE LES ÉLITES 

Il conduit à un regime exceptionnellement
autocratique, corrompu et répressif 
et à la transformation militaire de Paris

 La barricade de la rue de la Mortellerie, Juin 1848 par Ernest Meissonnier / zoom
Peint sur place

Les 23, 24 et 26 juin, 1848:

  • Morts d'insurgés, 5000 ; morts de soldats, 1460
  • Nombre de blessés inconnus 
  • Déportés en Algérie ou à Cayenne, des milliers

  • En bref

    • Une république des « happy few » 
    • Le début des luttes des classes modernes 
    • La première insurrection ouvrière annonce l'avenir
    • Les nobles de province répondent à l'appel...
    • ...et de jeunes voyous se lancent dans la lutte
    • Seule une comtesse comprend les rebelles
    • L'avènement du régime le plus autoritaire d'Europe  

    Sources principales : 

    Histoire de la révolution de 1848 
    (peut être lu sur le web) par Daniel Stern, nom de plume de la Marie d'Agoult et « Souvenirs » d'Alexis de Toqueville. Nobles tout deux, Toqueville est conservateur, Stern étonnamment large d'esprit. 

    Un bon récit actuel : Paris rouge, dans 
    « L'invention de Paris » par Eric Hazan (2002). 


    *     *     *

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    mardi 23 juin 2015

    UNE RÉPUBLIQUE DES « HAPPY FEW »



    LE SUFFRAGE UNIVERSEL MASCULIN
    DANS CE PAYS MASSIVEMENT RURAL
    CONDUIT À UNE ASSEMBLÉE NATIONALE
    DOMINÉE PAR L'EXTRÊME DROITE
    (EN AVRIL 1848)

    Le chef des conservateurs, 
    le comte Alfred de Falloux

    Zoom
    Son château / zoom

    Alexis de Toqueville
    décrit l'encadrement du vote paysan

    Les villageois se réunissent devant l'église pour marcher en procession au lieu de votedeux par deux. Toqueville fait un discours, leur disant de rester ensemble jusqu'à ce que tous aient voté, et de ne pas écouter des gens qui tenteraient de les dissuader.
    -- Cité par Georges Valence, Thiers


    Mais les députés au
    Gouvernement provisionnel de Février
    doivent leurs places à rue, 
    et les pauvres obtiennent...

    • Le droit de s'organiser : des sociétés professionnelles, embryons de syndicats, se forment. Entre février et juin, 250 délégations se présentent à l'Assemblée et 171 journaux sont fondés (certains disent 300).

    • Un palliatif contre le chômage, les « Ateliers nationaux »

        Les Ateliers Nationaux par Victor Adam, 1849 / zoom

    Beaucoup sont payés à ne rien faire :
    Dans cette image des chômeurs se reposent, jouent aux boules, 
    écoutent la lecture d'un journal à haute voix 
    ou tiennent une réunion sous un drapeau

    Mais un tiers sont des artisans des métiers du luxe, inaptes aux travaux physiques. Aussi, le gouvernement ne souhaite pas rivaliser avec les entreprises ou se heurter aux patrons qui s'opposent à tout ce qui réduit leur contrôle du travail.

    Néanmoins, ces chômeurs ouvrent la place devant la gare Saint-Lazare, construisent la ligne Paris-Versailles, accomplissent d'autres tâches en banlieue et replantent des arbres abattus pour construire les barricades de février. Coût : 1% du budget national. *

    * Paie journalière d'un ouvrier spécialisé, 3,50 francs. Paie des Ateliers : 2 francs par jour, réduit à 1,50 ( le prix du pain, 35 centimes ; le salaire de député : 25 francs)


    # # #

    Tournants 


    • La perte des dirigeants de la gauche quand 130 « meneurs » sont arrêtés après une manifestation chaotique (le 15 mai) 

    L'Insurrection du 15 mai 1848, les manifestants et la Garde nationale devant le Palais Bourbon par Gaspard Gobaut, sans date zoom

    Émeute du 15 mai 1848 : invasion de l'Assemblée nationale, anonyme, 1848 / zoom

    Des manifestants surexcités dissolvent l'Assemblée 
    et se précipitent à l'Hôtel de Ville pour  former un nouveau gouvernement.

     Auguste Blanqui dira à son procès, « Nous avons quelque habitude des insurrections et des conspirations, et je vous assure qu'on ne reste pas trois heures à bavarder dans une Assemblée qu'on veut renverser », mais les conservateurs utilisent l'incident pour arrêter les chefs.  

    Le général Clément-Thomas (l'incorruptible combattant républicain de 1830) commande les forces qui répriment « l'insurrection ». Beaucoup plus tard, ce rôle scellera son destin.

    # # #

    « Plutôt une fin effroyable 
    qu'un effroi sans fin ! »
    déclarent les conservateurs
    en prenant les Ateliers
    comme cheval de bataille 

    • « Une grève organisée à 170,000 francs par jour... Finissons-en ! »
    -- Le comte de Falloux
    • Les jeunes seront soldats en Algérie et les hommes plus âgés partiront en province construire des canaux ou assécher des marais paludéens, pour quinze centimes par jour.

     Le 22 juin les ateliers ferment. 
    Les chômeurs parcourent Paris en bandes,
    chantant en cadence et en ton monotone,  
    « On ne partira pas, on ne partira pas. » 
    -- Toqueville

     Le 23, « Juin » éclate.
     
    *     *     *

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    dimanche 21 juin 2015

    LA PREMIÈRE INSURRECTION OUVRIÈRE ANNONCE L'AVENIR


    « JUIN » : 
    LES COMBATS ÉCLATENT 
    DANS DE 
    NOUVEAUX TERRITOIRES OUVRIERS

    Les insurrections autrefois concentrées 
    dans les anciens quartiers populaires
    (notamment au faubourg Saint-Antoine 
    à côté de la Bastille) explosent aussi
    dans les régions en cours d'industrialisation,
    beaucoup plus vastes 

    Barricades de juin 1848

    Combat à la porte Saint-Denis, lithographie anonyme, 1848 / zoom

    # # # 

    Des femmes combattent
    beaucoup plus qu'en 1830

    La barricade à la porte Saint-Denis, Paris 1848 par William Edward Gabe / zoom

    «  ...au moment où le drapeau échappe au chef,
    une jeune fille le saisit ;
    elle l'élève au dessus de sa tête ;
    elle l'agite d'un air inspiré. 
    Les cheveux épars, les bras nus ...
    elle semble défier la mort... 
    « Un coup de feu part ; 
    on la voit chanceler et s'affaisser sur elle-même.

    Mais une autre femme s'élance soudain à ses côtés ; 
    d'une main elle tient le corps sanglant de sa campagne,
    de l'autre elle lance des pierres aux assaillants. 
    Une nouvelle décharge retentit ; 
    la voici qui tombe à son tour 
    sur le cadavre qu'elle tient embrassée. »
    -- Stern
    # # #

    bien que les dirigeants aient été arrêtés :
    Les récits actuels ne mentionnent pas
    cet élément clé, à ma connaissance

    « Ils combattirent sans chefs
    et pourtant avec un ensemble merveilleux
    et une expérience militaire
    qui étonna les vieux officiers»

    «
     Ce qui les distinguait encore était leur but,
    non pas de changer la forme de gouvernement
    mais d'altérer l'ordre de la société. »
    -- Tocqueville 

    # # #

    Déjà effrayées par cette discipline
    maintenant les élites sont terrifiées :

    « Malgré sa victoire
    la société toute entière demeurait
    en proie à un sentiment de terreur
    auquel on ne saurait rien comparer
    depuis l'invasion de Rome par les barbares... »
    -- Toqueville

    La référence aux barbares devient constante
     dans les textes de droite.

    *     *     *

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    vendredi 19 juin 2015

    À DROITE AUSSI, DES ÉNERGIES NOUVELLES : LES NOBLES DE PROVINCE RÉPONDENT À L'APPEL...


    « PRESQUE TOUTE L'ANCIENNE NOBLESSE
    AVAIT PRIS LES ARMES... »

    « ...depuis l'hobereau le plus encrassé 
    au fond de sa province,
    jusqu'aux héritiers élégants et inutiles
    des grandes maisons, 
    tous se ressouvinrent à cet instant (...) 

    Qu'ils avaient fait partie
    de la caste gouvernante et régnante,
    et partout ils donnèrent l'exemple
    du départ et de la vigueur,
    tant est grande la vitalité
    de ces grands corps aristocratiques


    Car ils gardent une trace d'eux-mêmes
    quand déjà ils semblent réduits en poussière
    et se relèvent plusieurs fois au milieu des ombres
    avant d'y reposer à jamais. » 

    -- Toqueville
    # # #

    Les trains ne fonctionnent pas encore
    et ces forces arrivent trop tard 
    pour participer au combats.

    Mais leur mobilisation indique l'étendue de la peur :
    On n'a pas confiance dans les généraux,
    craint que d'autres villes se joindront à la révolte
    et se souvient des victoires des insurrections récentes. 
    -- Toqueville
    *    *    *

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    mercredi 17 juin 2015

    ...ET DE JEUNES VOYOUS SE LANCENT DANS LA LUTTE


    L'INDUSTRIALISATION MULTIPLIE 
    LE NOMBRE DE SANS-EMPLOI PERMANENTS,
    ET UN LUMPENPROLÉTARIAT D'ADOS
    DEVIENT UNE FORCE À DROITE

    Sans la discipline, les liens sociaux
    et la solidarité qui viennent par le travail, 
    des jeunes se rebellent par la délinquance
    et la droite les mobilise par la paie



     « Le jeune Martin ... âgé de seize ans ... 

    après avoir monté cinq fois à la barricade de la rue Ménilmontant * était parvenu à la sixième fois en poignardant l'insurgé qui défendait le drapeau au milieu d'une grêle de bals. Il fut présenté au Général Cavaignac qui, après l'avoir embrassé avec affection, lui attacha la crois de la Légion d'Honneur en lui disant, « Tu l'as bien mérité ». 
     
    * Dans l'est tumultueux

    Utilisés pour la première fois en juin '48, 
    leur aide n'est pas gagnée d'avance...

    Ils crient, « Vive la réforme sociale ! » et chantent la Marseillaise, alors contestataire. « Les bataillons de la garde sociale firent entendre des acclamations qui nous laissèrent pleins de doutes et d'anxiété des intentions de ces jeunes gens ou plutôt de ces enfants qui tenaient alors, plus que personne, dans leurs mains nos destinées. » 
    -- Toqueville

    ...mais le salaire, l'uniforme, 
    l'inconscience de la jeunesse
    et l'autorité des officiers
    en font des soldats redoutables

    « La bravoure de ces enfants de la garde mobile ... ne saurait même pas imaginé par ceux qui n'ont pas été témoins. Le bruit des décharges, le sifflement des balles, leur semble un jeu nouveaux qui les met en joie ... Ils courent à l'assaut, grimpent sur les pavés croulants ... avec une agilité merveilleuse ; une émulation jalouse les emporte et les jette au-devant de la mort. »

    -- Toqueville

    Zoom (déroulez la page)

    Cette force ardente est disponible
    à qui sait la gagner :
    Des jeunes déclassés 
    combattront avec la même fougue

    *    *    *

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    lundi 15 juin 2015

    IV.2.3. LE MUSÉE HISTORIQUE ET LES INSURRECTIONS

    MENU : 4.2.3. Musée historique & insurrections


    PARIS SE DISTINGUE
    PAR LA CULTURE DE SES ÉLITES
    ET PAR SES INSURRECTIONS

    Comment le musée Carnavalet 
    les présente-ils ?
    (Rénovation, 2016-2022)

       Zoom
    Le palatial hôtel particulier de la Marquise de Sévigny, devenu le musée historique. « Je crois que j'y serais heureuse », a-t-elle écrit.

    En bref
    • Un hommage rendu aux elites  
    • La Révolution française devient presque paisible
    • Avant la rénovation 
    • 1830 : le triomphe capitaliste accueilli et des combattants chics remplacent les humbles 
    • Février 1848 : une tableau, des reliques et une absence
    • Juin 1848: une table au fond de la salle 
    • Les barricades, un jeu pour gosses
    *    *    *

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    REVOLUTION

    dimanche 14 juin 2015

    SEULE UNE COMTESSE COMPREND LES REBELLES


    PRESQUE TOUS LES PRIVILÉGIÉS, INTELLECTUELS DE GAUCHE COMPRIS, CROIENT QUE...

    • « Les pauvres, formés à l'envie, à la haine, à la soif du pillage... ce qui les retient est l'armée ».
     -- Le Spectre rouge, 1852, cité dans « Le Journal de la Commune » du 30 mars 1871

    • « E. Cavaignac a bien mérité de la patrie » (titre de l'image ci-dessous)


    le commandant  républicain — de la répression,
    chevauche au dessus d'une barricade

    Il avait enfumé des villageois algériens réfugiés dans des grottes : « Si ces bandits se retirent dans leurs cavernes, imitez le général Cavaignac. Fumez-les à outrance comme des renards. » 

    Ses ordres en Juin sont aussi féroces.

    # # #

    Exception : Marie de Flavigny, la comtesse d'Agoult, qui faisait partie de la noblesse la plus vénérable et de l'élite la plus cultivée, avait quitte mari, enfant et caste pour s'enfuir avec Franz Liszt
    (En 1835)

    Franz Liszt improvise au piano par Josef Danhauser, 1840 / zoom

    Aux pieds de Liszt, Marie ; assis, Alexandre Dumas, George Sand. Debout : Berlioz, Paganini, Rossini 

    Franz Liszt et Marie d'Agoult, côte à côte au Musée Carnavalet

    Que les artistes soient considérés des serviteurs rendait cette brisure des codes encore plus spectaculaire.

    Le couple eut trois enfants, mais Liszt se désintéressa. La déesse inaccessible est très différente que la femme exclue qui dépend de lui. Tolstoy raconte une histoire similaire dans Anna Karénine.  


    Sa révolte personnelle lui permet de comprendre celle des autres,
    et son Histoire de la Révolution de 1848 * fait écho à Karl Marx

    * Nom de plume, Daniel Stern

     « L'insurgé de Juin 
    est le combattant de février »

    Les pauvres prennent le pouvoir, maintiennent un ordre parfait et donnent au nouveau gouvernement un délai de trois mois  « trois mois de misère » — pour accéder à leur seule demande, l'emploi. Ils se révoltent quand l'Assemblée, qui leur doit ses places, revient sur cette parole. 

    Son récit est mal reçu. 

    *     *     *