lundi 30 juin 2014

IV.3.1.e. MYSTIFICATION

MENU : 4.3.1.e. Mystification


LE RÉCIT HABITUEL DE LA COMMUNE
COMMENCE PAR UN DRAME IMPOSSIBLE

Et continue en insistant
sur une violence communard 
qui était (presque) absente

Baroness Danuté
« Condamnés à mort par un jugement sommaire, tout deux [des généraux] sont passés par les armes contre le mur du jardin par leurs propres soldats. »

En bref

  • Un site emblématique, un panneau curieux
  • Un peloton d'exécution impossible
  • Une propagande versaillaise montre un drame réel
  • Fusillade et panique : les otages de la rue Haxo
  • Des martyrs catholiques que même l'Église oublie
  • Le mythe de la violence communarde
  • Un manuel corrigé reste à droite  
  • Le Musée de la Ville avant sa renovation...
  • ...et après
  • « Hommage aux gagnants » 

*      *      * 











dimanche 29 juin 2014

UN SITE EMBLÉMATIQUE, UN PANNEAU INCOMPRÉHENSIBLE


UN PANNEAU INCOMPRÉHENSIBLE
SUR LE SITE OÙ LES GÉNÉRAUX  
ONT ÉTÉ LYNCHÉS


 

La fusillade du 18 mars 1871

Après l'échec de l'expédition nocturne chargée de s'emparer par surprise des canons de la garde nationale, la première effusion de sang a eu lieu au soir du 18 mars 1871. Le Général Clément-Thomas, vieux républicain exilé sous l'Empire et revenu participer à la défense de Paris après Sedan, est reconnu place Pigalle, malgré ses dénégations et son habit civil : il est à la recherche du Général Lecomte, retenu par les insurgés depuis le matin, pour avoir donné à la troupe l'ordre de tirer sur la foule. Arrêté lui aussi, il est conduit au siège du Comité central situé au 6, rue des Rosiers (rebaptisé en 1907 rue de Chevalier de la Barre).

Condamné à mort après un jugement sommaire, tous deux sont passés par les armes contre le mur du jardin par leurs propres soldats.


Charabia

  • Quelle expédition ? Quels canons ? Quels insurgés ? Quelle garde nationale ? Quel Comité central? 

  • Beaucoup de Français ont oublié « Sedan » et « la défense de Paris », et la plupart des étrangers ne les connaissent pas du tout. 

  • Seuls les Parisiens connaissent la place Pigalle. Qu'à t'elle avoir avec la mort des généraux ? 

  • Pourquoi octroyer deux lignes entières à un changement d'adresse et ne pas mentionner la Commune ? 
# # #

Ou bien le panneau s'adresse aux personnes
qui déjà connaissent les faits,
et donc est inutile,
ou par son opacité 
il détourne le public de l'Histoire elle-même,
effaçant une arme pour comprendre le changement.

De plus, il omet la raison pour laquelle
la mort des généraux est importante :
Elle conduit à La Commune,
qui est omise.

La cerise sur le gâteau :
Que les généraux aient été fusilles 
« Par leurs propres soldats »
est une invention — continuez.

Ce panneau est parmi les environ 700
sponsorisés par la Mairie de droite (en 1992).
Pour en savoir plus, cliquez.

*     *     *

samedi 28 juin 2014

UN PELOTON D'EXÉCUTION IMPOSSIBLE


LES VERSAILLAIS ONT AFFIRMÉ
PAR UN MONTAGE QUI RESTE CÉLÈBRE
QUE LA COMMUNE EST NÉE
D'UNE MUTINERIE ET DE MEUTRES PRÉMÉDITÉS,
PENDANT QUE LES PRUSSIENS JUBILENT  

Seul Victor Hugo trouve 
la mort des généraux « curieux ». *
Autrement, même aujourd'hui
des pro-communards les croient
fusillés par un peloton d'exécution
de leurs propres troupes...

Dans Choses vues, son journal

Zoom
Les « Crimes de la Commune » (à suivre)

...bien que le rapport de l'autopsie 
montre les balles tirées par derrière.
 -- Pierre Milza, Le dix-huit mars, « La Commune », 2009

Même sans cette information
une déclaration trompétée par Versailles
devrait être suspecte et surtout,
un acte si extraordinaire expliqué. * 

* Des conscrits ont tué leurs officiers de façon spontanée avant la Révolution d'octobre et pendant la guerre du Vietnam, mais je ne connais aucun exemple d'exécution organisée.

Est-ce pour disculper
la population communarde ?



« Soldats ! Après Versailles vous pourrez rentrer chez vous. »
  
  •  Marx l'explique par l'hostilité des conscrits pour les officiers, bien que les soldats ne connaissaient probablement pas Clément, qui en tant que dirigeant de la Garde parisienne n'avait pas de lien avec l'armée.

  • Raspou'team, dont l'art de la rue a commémoré le 140e anniversaire de La Commune (en 2011)



Le général Clément « déjà illustré en réprimant l'insurrection de 1848, est reconnu alors qu'il inspecte des barricades habillé en civil. Thomas et Lecompte sont conduits rue des Rosiers, sur la butte Montmartre. Tous deux sont fusillés. Dans la foulée, la Garde Nationale défile sous les fenêtres. » [La dernière phrase est une pure invention]. 
 
  • Le journal historique du XIIIe, qui sans émettre d'avis sur La Commune mais lui dédie un numéro spécial

« Le général Lecomte est arrêté puis fusillé, rue des Rosiers, par ses soldats. Le Général Clément Thomas subit le même sort... »

  • Une biographie de Louise Michel en BD

La vierge rouge par Mary et Louis Talbot, 2016 ( Librairie Vuibert)
« Non ! Attendez le Comité ! Il faut une cour martial ! » 
Le peloton agit quand même.

  • Une illustration soviétique évoque le chaos, mais retient le peloton 

Internet, disparu
  • Karambolage, un programme télévisé franco-allemand, montre la foule plutôt que des soldats tirant sur sur les généraux, mais retient le peloton 



# # #

D'après Louise Michel,
dès que Clément est reconnu et saisi,

À cause des souvenirs de Juin, du siège avec sa souffrance, des sorties inutiles avec leurs blessés et leurs morts, de l'incompétence et peut-être la trahison des généraux, de la fusillade sur une foule largement désarmée, du renvoi d'officiers qui « s'agitaient bruyamment », de la sortie qui ne pouvait réussir, de la capitulation honteuse, de la marche prussienne dont l'échange pour Belfort n'a pas été annoncé, de l'armée venant reprendre les canons quand leur retour avait été convenu, du garde mortellement blessé...

De l'effet du tocsin et des roulements de tambour.

En plus, les Montmartrois ne sont pas seuls, puisque des habitants du bas de la colline les rejoignent : le sentiment de responsabilité se perd dans l'anonymat (« c'est à croire qu'un fusil me tenait »).

Dans ce contexte...

Lecomte refuse d'envoyer le garde blessé à l'hôpital, appelle les résidents de la « vermine » et commande aux troupes — trois fois — de tirer sur eux.

Clément ne comprend pas qu'avoir...

est se lancer dans la gueule du loup. 

Trochu révèle involontairement
l'aveuglement des bien nés : 
Il imagine Clément se lançant dans la foule...

« comme tout bon soldat va au feu (...) croyant, j'en suis convaincu, que sa notoriété de Commandant de la Garde nationale et comme vétéran de la cause républicaine impressionnerait les foules hystériques (...) »
--  Œuvres Posthumes, p. 53


En croyant que les « foules hystériques »
écouteront un tueur de leurs proches
les privilégiés montrent à quel point ils ignorent 

Les généraux sont morts de leur myopie. 

*     *     * 

Suite,








vendredi 27 juin 2014

UNE PROPAGANDE VERSAILLAISE MONTRE UN DRAME RÉEL



VERSAILLES UTILISE DES MONTAGES 
POUR INVENTER LES
« CRIMES DE LA COMMUNE » *

* Commandé au photographe royaliste Eugène Appert

Le seul qui illustre une vérité :
Théophile Ferré — le fanatique 
dont Louise Michel était amoureuse 
a effectivement ordonné 
l'exécution de l'Archevêque de Paris
et de cinq autres membres du clergé

     Assassinat d'otages à la prison de la Roquette / zoom /
Musée Carnavalet, non exposé

Ferré n'était pas présent, mais il a exigé que l'exécution ait lieu et qu'un acteur le représente est justifié.

      De Robert Jefferson Bingham, vers 1860 / zoom

Monseigneur Georges Darboy, un homme bienveillant d'origine modeste, avait défendu les pauvres et tenté de limiter la barbarie versaillaise. 

  • Mais Thiers aussi était responsable 

    •  Les communards souhaitaient échanger Darboy pour Auguste Blanqui, le plus célèbre révolutionnaire français

Portrait d'Auguste Blanqui par Eugène Appert, probablement 1871 / zoom

Il est surtout connu pour la phrase « Ni dieu ni maître » et pour avoir passé trente-cinq années en prison. 

Une affiche dans les toilettes d'un restaurant à La Goutte d'Or

  • Quand les dirigeants de La Commune proposèrent d'échanger tous les soixante-dix otages pour Blanqui seule, Thiers refusa  


  • Ferré tomba dans le panneau, donnant à Thiers le martyre de haute-visibilité qu'il souhaitait. « Idiot ! » cria Victor Hugo en apprenant son exécution.


Il voyait juste

    Photomontage de Ernest-Charles Appert, février 1872 / zoom
Illustration adaptée d'une peinture de Henri Motte / Internet, disparu

J'ai entendu une comtesse évoquer
 la mort de l'Archevêque un siècle plus tard.  

*    *    *

Suite,

jeudi 26 juin 2014

FUSILLADE ET PANIQUE : LES OTAGES DE LA RUE HAXO

 

L'AUTRE TUERIE HAUTEMENT MÉDIATISÉE
EST CELLE D'UNE CINQUANTAINE D'OTAGES

La tragédie ne venait pas
de membres de La Commune,
qui au contraire ont tenté de les sauver,
mais d'une foule épouvantée 
par l'avance de l'armée

--  La rue Haxo dans « Mes Cahiers rouges » de Maxime Vuillaume», pp.101-121
un récit détaillé fait à une époque où on pouvait encore interroger des témoins.

La fusillade de la rue Haxo, le 26 mai  / zoom 
Un autre montage des Crimes de la Commune

Pour voir comment le gouvernement
a utilisé la fusillade,  
déroulez cette page jusqu'à la légende
sous le dessin de Parisiens aisés
accueillant l'armée de Versailles.  

# # #

Un mémorial au cimetière de Belleville
honor des gardes pro-Versaillais
parmi les otages tués...



Les informations du web acceptent
sans hésiter la version versaillaise,
erreurs en plus.

Elles...

  • Insistent sur les communards comme tueurs, pas la foule terrorisée.

  • Ne disent pas que des membres de la Commune ont imploré ces fédérés de ne pas tirer, et que comprenant que leur autorité était finie, se sont retirés pour ne pas être associés à la tragédie.

Cimetières de France, Le cimetière de Belleville

« Un obélisque de la partie droite du cimetière marque l'emplacement de la tombe des 40 gardes républicains exécutés par les Fédérés lors de la Semaine Sanglante à la villa dite 'des otages' de la rue Haxo. Leurs identités figurent sur le monument. » (Gras ajouté)

Aussi (déroulez presque jusqu'à la fin)

« Durant la Commune, en représailles pour les massacres des Versaillais, 51 otages, gardes républicains, gendarmes, civils, prêtres et pères jésuites, l'abbé Planchat, étaient fusillés pendant la semaine sanglante par les fédérés le 28 mai 1871. [Non : la date était le 26]. La fusillade s'est faite derrière le mur du cimetière à la Villa des Otages, 85 rue de Haxo. » [Non : le mur du cimetière est à dix minutes du lieu de la fusillade, dont rien ne reste. L'auteur prend le montage comme vérité.]

Zoom (déroulez presque jusqu'à la fin)


Les erreurs et l'omission
sont des raisons de plus pour apprécier
un panneau qui, pour une fois,
est exacte et mentionne ce qui compte



Ancien bal publique ... la Villa des Otages fut le théâtre, de la Semaine sanglante de la Commune de Paris... le 26 mai 1871 50 otages tirés de prison de la Roquette, pour la plupart des prêtres, des Gardes de Paris et des gendarmes, y furent conduits et abattus par la foule sans autre forme de procès ... Eugène Varlin et les membres du Comité Central, essayèrent en vain de s'opposer à sa massacre. Mais rien ne pu arrêter la foule, désespérée par les exactions et les exécutions sommaires des Versailles, qui reprenaient alors Paris rue par rue, maison par maison. "Un feu de peloton, quelques coups isolés d'abord puis une décharge longue, longue qui n'en finit plus... (Jules Vallès, L'insurgé, 1885). [Gras ajouté ]
 .
Sauf pour les mémoriaux 
sponsorisés par la gauche,
ce panneau est le seul exemple
 à ma connaissance
d'un récit officiel et objectif sur la Commune.

*     *     *
Suite,