mercredi 26 août 2015

IV.1.2. LE PEUPLE DUPÉ

 MENU : 4.1.2. 1830 : Le peuple dupé


EN ROUTE POUR ANNONCER SA ROYAUTÉ,
LOUIS-PHILIPPE PASSE DES BARRICADES :
IL CROIT LA LUTTE FINIE,
MAIS ELLE NE VIENT QUE COMMENCER
(LE 7 AOÛT 1830)

L'artiste ajoute un cheval blanc
dans cette œuvre de propagande

 Le duc d'Orleans, se rendant à l'Hotel de Ville, traverse la place du Châtelet, le 31 juillet 1830 par Prosper Lafaye, vers 1830
Exposé bien en evidence au Musée Carnavalet
 
En bref
 
  • La grande peinture pour la liberté, fervente mais équivoque
  • À l'Arc de Triomphe, une ode ambiguë au peuple
  • La colonne de Juillet, également évasive  
  • « Le temps des émeutes »
  •  L'Algérie entre dans les conflits français 

*      *      *

Suite,

mardi 25 août 2015

LA GRANDE PEINTURE POUR LA LIBERTÉ, FERVENTE MAIS ÉQUIVOQUE


LE COMBATTANT POPULAIRE VU DE FACE
RENDENT LE TABLEAU EXPLOSIF

 « La Liberté guide le peuple »

  De Eugène Delacroix, 1831, zoom
Rogné pour accentuer ces personnages

Après la Révolution de 1830 
le capitalisme sans entraves 
aggrave la vie des pauvres :  *
« Peuple affranchi dont le bonheur commence »
est le titre ironique de cette gravure

 * La population trop pauvre pour être imposée est de  68% en 1833 et de 72,2% en 1846. (Haussmann de Michel Carmona, 2000, p. 177)


                                                                                          Par Jean-Charles Traviés de Villiers, 1831 / zoom

«10,000 de liste civile, budget d'un milliard, impôts augmentés, lois de privilège, arrestations et visites illégales, arrestations sans motifs, prisons encombrées, coups de bourse, marchés onéreux, paix honteuse, commerce anéanti, couleurs nationales proscrites, patriotes assassinés, assommeurs publics payés, trésor gaspillé, sinécuristes, traitres de lèse-nation et peuple misérable. » 

Peuple affranchi, dont le bonheur commence,
croise les bras après ton œuvre immense !
Peuple ! Repose toi !
Internet, sans plus d'informations
Un héros de Juillet
Mai 1831

# # #

Louis-Philippe hésite d'acheter le tableau
et cesse de l'exposer six mois plus tard,
quand une autre insurrection éclate.

# # #
Malgré sa passion
le chef d'œuvre est ambigu :  
La liberté pour qui,
avec quel but concret ?

Comme presque tous les intellectuels de son époque
Delacroix applaudit « le peuple » 
luttant pour des objectifs bourgeois,
mais approuve son massacre
quand il combat pour lui-même.


*     *     *










lundi 24 août 2015

À L'ARC DE TRIOMPHE, UNE ODE AMBIGUË AU PEUPLE

 

POUR RÉUNIR LES FRANÇAIS
AUTOUR DE LUI,
LOUIS-PHILIPPE FINIT LE MONUMENT
QUE NAPOLÉON AVAIT COMMENCÉ 
(INAUGURÉ EN 1836)

Pour remercier les humbles
qui l'ont amené au pouvoir,
des soldats sont vus 
comme hommes du peuple
pour la première fois 

Claude Abron

Jusqu'alors, les guerriers
étaient montrés comme Romains,
qu'ils soient rois,
nobles — adversaries inclus 
ou mercenaires..

Louis XIII à  la place des Vosges,  Louis XIV au musée Carnavalet

 La porte Saint-Denis (1674) / Carolyn Ristau

    Comme pour les duels, un noble se bat contre un autre noble, pas contre un roturier.

   La paie des soldats, tapisserie Les fruits de la guerre. 1546-1548 / zoom

...mais les forces populaires
étaient anonymes,
comme dans les peintures de 1830 
 
              L'ange de la mort vainc l'armée de Sennarcherib, XVIIe siècle / zoom

# # #

Mais sur la frieze au sommet de l'Arc
les soldats des armées de la Revolution et de Napoléon
sont courageux, déterminés, individualisés, ordinaires...

Photos du diorama au sommet de l'arche




 ...et requièrent des jumelles
pour être déchiffrés 

     Claude Abron
 
*     *     *

Suite,







samedi 22 août 2015

LA COLONNE DE JUILLET, ÉGALEMENT ÉVASIVE


L'AUTRE MONUMENT MAJEUR
DE LOUIS-PHILIPPE EST LA COLONNE
QUI HONORE LES MORTS DE 1830
(INAUGURÉE EN 1840)

Donner leurs noms les honore,
mais omettre leurs professions 
efface leurs humbles origines

La colonne de Juillet, à la très symbolique place de la Bastille

      Les noms
 
 Peut-être n'avait-il pas la place 
pour les professions? 

Mais les royalistes trouvent 
le moyen de les inclure, 
pour montrer l'arbitraire des exécutions


Des plaques comme celle-ci entourent l'autel de 'église de Picpus, qui est à quelques pas du dernier emplacement de la guillotine. * Son cimetière est réservé aux descendants de guillotinés nobles.

*  À la place de la Nation à l'est, alors hors de la ville. Elle se nommait alors « la place du Trône renversé » car la guillotine y avait été transféré pendant les dernières semaines de la Terreur (13 juin - 28 juillet, 1794.) Pour certains de ces drames, cliquez ici et ici (déroulez les pages).
 
Les monuments présentent
le point de vue de leurs sponsors.

*     *     *

Suite, 
« Le temps des émeutes » 









jeudi 20 août 2015

« LE TEMPS DES ÉMEUTES » (Victor Hugo)


« ENRICHISSEZ-VOUS »
DÉCLARE UN PREMIER MINISTRE 
« Monsieur Guizot est personnellement incorruptible et il gouverne par la corruption.
 Il me fait l'effet d'une femme honnête qui tiendrait un bordel. »
-- Victor Hugo

Le règne de l'argent, de la corruption
et d'une exploitation plus intense 
accompagne le gouvernement
d'hommes d'affaires après 1830


     Le ventre législatif  de Honoré Daumier, 1834 / zoom

« -- Le comptoir vous ennuie et vous aimez mieux le bureau particulier du Ministre de l'Intérieur ?
-- Oui, mon père.
-- Maintenant paraît une grande difficulté : serez-vous assez coquin pour cet emploi ? »

-Lucien Leuwen par Stendhal, 1834, début de la Partie II
À l'arrière-plan, la corruption du régime de Louis-Philippe.

« Il faut que les ouvriers sachent 
qu'il n'y a de remède pour eux
autre que la patience et la résignation. »
-- Un autre Premier Ministre, Jean Casimir-Périer, banquier

  •  Les pauvres se résignent si peu que leurs révoltes n'attirent plus d'attention. Elles commencent en février 1831 et deviennent endémiques  

      Le sac de l'Archevêché de Notre-Dame le 14 février 1830, gravure anonyme,  1883/ zoom

Les assiégés, une maison de la rue Saint-Antoine de André Joseph Bodem, zoom (déroulez la page)

« On fusille dans un carrefour, dans un passage, dans un cul-de-sac ; on prend, perd et reprend des barricades ; le sang coule, la mitraille crible les façades des maisons, des balles tuent de gens dans leur alcôve, les cadavres encombrent le pavé. À quelques rues de là on entend le choc des billes de billards dans les cafés. »
-- Les Misérables 

  • La révolte dans Les Misérables, une réalité (les 5-6 juin, 1832)

Pour la première fois, es rebelles brandissent le drapeau rouge et le gouvernement utilise des canons contre son peuple. 
- Paris rouge par Eric Hazan, 2015

# # #

L'organisation ouvrière commence
quand les tisserands de Lyon
se syndiquent et demandent
l'augmentation des salaires,
plutôt que la diminution du prix du pain.

Ils déclenchent
les premières révoltes ouvrières. 

(En 1832 et 1834)


Estampe populaire / zoom

# # #
La révolte de 1834 
s'étend à Paris

  •  Quand une balle tirée d'une fenêtre tue un officier, des soldats entrent dans la maison et fusillent tous les résidents, étage par étage 

       Zoom
  • Une lithographie suscite l'indignation : « La rue Transnonian » est la première image profane de communication de masse *

* La liberté de la presse et d'excellents caricaturists expliquent l'envol de la lithographie

                 La rue Transnonain, le 15 avril 1834 de Honoré Daumier / zoom
La maison était au n° 62 rue Beaubourg, à côte du musée actuel (sans plaque)
Sous le cadavre un bébé mort. Le blanc du drap et de la chemise font ressortir la menace de l'ombre. 

  • Thiersalors Ministre de l'Intérieur, aime tant la répression qu'il accompagne le commandant ultra-conservateur, le marquis Robert Bugeaud.

Bugeaud et Thiers sont ailleurs au moment du massacre, mais
 en sont tenus responsables. « Injuste », écrit le biographe de Bugeaud. Mais ils n'expriment aucun regret et les coupables ne sont pas poursuivis. 


Ce « massacre de rue Transnonain » 
fait quatorze morts
et avec les répressions de Lyons,
annonce l'avenir. 

« Pendant que Guizot incitait 
les hommes d'affaires à s'enrichir
et créait des quartiers nouveaux pour les riches, 
une masse réduite au chômage, 
à la faim, à la maladie [...] 
apprenait la solidarité et la lutte des classes 
par le désastre »
  -- Jean Fréville, Lénine à Paris, 1968

*     *     *









mercredi 19 août 2015

L'ALGÉRIE ENTRE DANS LES CONFLITS FRANÇAIS


CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE /
RÉPRESSIONS EN FRANCE,
DES VOLETS D'UNE MÊME HISTOIRE 

Le roi saisit Alger,
espérant que la victoire 
mâtera l'opposition domestique :
« Cette flotte sous pavillon blanc 
c'était la monarchie,
s'éloignant du port
où s'embarqua Saint Louis... »
-- Réné Chateaubriand

     Le débarquement à Sidi-Ferruch le 14 juillet 1830 de Pierre-Julien Gimbert / zoom
  
Le régime tombe quand même, 
et le nouveau gouvernement hérite
d'un conflit qui se passe mal
et ne sert qu'à faire
avancer en rang les officiers 

 Le combat de l'Habrah  (en 1837), 1840, détail, de Horace Vernet zoom
« N'envoyez plus de princes ! » implore le commandant. Sur le cheval blanc, un fils de Louis-Philippe. 

Une attaque est si mal préparée que les Français affamés se retirent, abandonnant les civiles, les malades et les blessés (en 1835). Ils seront décapités.
 Morny, le vice-empereur de Michel Carmona, 2005  

# # #
rend la conquête soudainement utile :
L'Algérie devient un lieu 
où déporter des rebelles
et que les turbulents peuvent coloniser

Internet, sans indication de source

 « En repoussant une attaque d'Arabes pillards »

« Nous serons fermiers et soldats », dit Martial, rejeton repenti d'une famille de criminels, à un ancien criminel. Ce dernier est tué mais Martial et sa concubine, la féroce La Louve, refont leur vie en Algérie. 
-- Les Mystères de Paris de Eugène Sue, 1843

Alors une guerre impitoyable 
pour des terres commence.
La population locale diminue 
d'au moins 20% entre 1830 et 1875
-- Le Crépuscule des révolutions, 1848-1871 de Quentin Deluermoz, 2012
D'autres estimations sont de 30%.
 
dit le général Bugeaud, 
commandant de la répression parisienne de 1834
et l'ogre « Bujo », 
croque-mitaine un siècle plus tard
-- Les Luttes et les rêves de Michelle Zancarini-Fournel, 2016

    Thomas-Robert Bugeaud de la Piconnerie, duc d'Isly (1784-1849), maréchal de France 
de Charles-Philippe Larivière, 1843-1845 / zoom

Autre version avec fumée de village brûlé en arrière-plan; disparue de l'Internet

« Le but... est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer... allez tous les ans brûler leurs récoltes... ou bien exterminez-les jusqu'au dernier. » 
--  Bugeaud, le 22 février 1841 / Wikipédia 

L'armée y apprend la sauvagerie :

  • « Il se rappelait ses deux années d'Afrique, la façon dont il rançonnait les Arabes dans les petits postes du Sud...

et un sourire cruel et gai passa sur ses lèvres au souvenir d'une escapade qui avait coûté la vie à trois hommes de la tribu des Ouled-Alane et qui leur valu, à ses camarades et lui, vingt poules, deux moutons et de l'or, et de quoi rire pendant six mois ».
--  « Bel-Ami » de Guy de Maupassant, 1885, journaliste en Algérie (en 1881).

  •  « [...] il n'était pas rare de voir des soldats jeter à leurs camarades des enfants [...] qu'ils recevaient sur la pointe de leurs baïonnettes. Ils arrachaient les boucles d'oreilles des femmes, les oreilles avec, et coupaient les doigts pour avoir les anneaux ». 
-- Victor Hugo, « Choses vues » (son journal) 
citant un général qui lui rend visite en 1871.

  • « Pour chasser les idées qui m'assiègent parfois je coupe les têtes, non pas des têtes d'artichauts, mais des têtes d'hommes » 

-- Le colonel Lucien de MontagnacLettres d'un soldat, vers 1848

La version des colons,
semblable à l'image Hollywoodienne
de « settlers » américains
 
La même idée des colons cités ci-dessus (« Nous serons fermiers et soldats » ) 

# # #

Cette guerre est terrible aussi
pour les soldats français, 
souvent des paysans enrôlés de force

Mal nourris, mal vêtus et mal équipés, obligés de commettre des horreurs et craignant les représailles arabes imprévisibles, souffrants du vent et de la chaleur le jour et du froid la nuit, ils sont sujets aussi à la malaria, à la dysenterie, au scorbut, au typhus, au choléra et à la dépression.

En 1846, plus d'un tiers de l'armée est hospitalisé. Deux-tiers des malades n'ont pas de lit, trois-quarts pas de matelas, certains sont couchés dehors et il n'y a pas assez d'eau, de nourriture ou de médecine. 

Il y a sept fois plus de morts dans l'armée que parmi les civiles, dont l'espérance de vie est déjà courte.
--  Les Luttes et les rêves 


L'interminable guerre en Algérie
affecte l'armée

  • Le racisme et la cruauté qu'il y apprend intensifie la sauvagerie de ses répressions en France.

  • Vaincre les Arabes donne l'impression d'omnipotence, sans l'expérience de guerre avec un adversaire moderne : à suivre.

Fin de cette section.

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