samedi 13 février 2016

LES INVALIDES : TROIS RUES DROITES CONVERGENT VERS UN TOMBEAU. POUR QUI ?

LE « TOMBEAU DE NAPOLÉON » N'A PAS ÉTÉ CONSTRUIT POUR LUI : LOUIS XIV PRÉVOYAIT L'IMMENSE MONUMENT, L'ACTUEL MUSÉE DE L'ARMÉE, POUR Y REPOSER SOI-MÊME

Mais on ne le dit pas.


   Louis XIV visite l'Hôtel des Invalides de Pierre-Denis Martin, 1706 / zoom 

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Quand les maisons étaient basses le dôme survolait la ville et il domine toujours une grande partie de la rive gauche :

           La place Louis XVI (la place de la Concorde) en 1829 de Giuseppe Canella, 1829 / zoom 
              L'Hôtel des Invalides au coucher du soleil ©  Frédéric Reglain / zoom

Louis nomma l'ensemble « Les Invalides » parce que des vétérans blessés y étaient soignés (certains le sont encore). Le nom évoque un roi bienveillant qui prend soin de ses troupes :

Louis visite les veterans de Maurice Leloir, 1931

 « En 1670, le roi Louis XIV fonda l'Hôtel National des Invalides 
afin de loger et soigner les vétérans de ses guerres. 
»


« Des invalides aux Invalides »

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Mais comment l'aide aux soldats peut-elle être le motif du lieu quand rien ne les indique — et quand tout élément conduit au dôme ? 

  • Trois lignes convergentes soulignent l'entrée de l'ensemble et le dôme : celles qui accentuent le dôme sont construites les premières.
-- Pascal Payen Appenzeller, historien de Paris, communication personnelle

Internet, sans indication de source  

Vue aérienne / zoom


  • Le seul autre exemple de lignes convergentes est à Versailles :

  Versailles en 1668 de Pierre Patel zoom
  • Le dôme survole un vide qu'il faut au moins vingt minutes pour traverser : 

          Les lignes jaunes montrent un emplacement, les rouges un trajet /zoom.

Claude Abron
Cette photo s'arrête au portail avec le drapeau (regardez très attentivement).

    • La seule image de l'ensemble est celle-ci, de Louis à cheval au dessus du portail... 



    • Elle conduit à une cour si vaste qu'on ne remarque guère les canons ou les portes de l'église...


    • Elle est suivie d'un long parcours de mur nu.

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    Enfin on arrive au dôme, qui survole un tombeau...

         Claude Abron

    Mais c'est Napoléon qui y repose.

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    Les dernières guerres de Louis XIV ont duré une génération, 
    de 1688 à 1713, avec une pause de cinq ans. Il a du faire fondre sa superbe vaisselle en argent. Beaucoup de nobles et de soldats sont morts au combat. Des pauvres sont morts de faim et de froid. 

    • Cette dame de la noblesse, Marguerite de Choiseul (1647-1737), a perdu deux de ses fils à la bataille de Turin et un troisième est mort à cause de la guerre indirectement ; tous en 1706.

         « Charger les Français, Bataille de Turin » zoom
                     Château de Condé - Aymeri de Rochefort

    • Les soldats étaient souvent enrôlés de force, à moins de s'engager pour ne pas mourir de faim. « La famine, qui désola la campagne, fut une ressource pour la guerre : ceux qui manquaient de pain se firent soldats. Beaucoup de terres restèrent en friche ; mais on eut une armée ». 

    --  Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, ed. 2015, p. 358.
    •  La guerre a rendu l'hiver de 1709, le plus froid du siècle,* encore plus terrible.
    * Le vin gelait dans le verre du roi.


           La Misère des paysans, « Histoire de France » de François Guizot, 1875

    Louis était si haï qu'un mausolée parisien était impensable, et ses restes ont été emmenés à la nécropole royale de Saint-Denis (en 1715) « J'ai vu de petites tentes dressées sur le chemin de Saint-Denis. On y buvaient, on y chantaient, on y riaient. »
    -- Le Siècle de Louis XIV de Voltaire, ed 2015, note p. 474.

    Comme le château de la Belle au Bois Dormant, la sépulture est restée vide pendant un siècle. 
    (En fait plus, jusqu'en 1836)

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    Chaque aspect du site colossal concerne Louis XIV,
    et rien ne se réfère aux soldats. 
    Pourquoi alors les souligner en effaçant le roi ?

    La raison directe est simple :
    Les Invalides, devenus le Musée de l'Armée,
     exaltent la gloire militaire de la France
    et l'absence royale révèlerait son coût humain.

    Plus étonnant : 
    Ni les historiens que j'ai lu
    ni les guides aux visites desquels j'ai assisté
    ne mentionnent cette carence.

    Le publique écoute et ne dit rien. 
     
    *    *    *

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