mercredi 27 janvier 2010

VII. « VOUS ENSEIGNEZ LE COMMUNISME À LA POLICE ! »


« LE DÉPUTÉ VA ME TÉLÉPHONER ! » A CRIÉ LE DOYEN DE LA FACULTÉ OÙ J'ENSEIGNAIS L'HISTOIRE

Tous les dessins de Harald Wolff

Ce qui s'était passé :

Le 4 mai 1970 la Garde nationale américaine a tira sur trois cents étudiants non armés qui protestaient la guerre du Vietnam, tuant quatre. Cela s'appelle le « Kent State* Massacre ».

*Une université de l'État de l'Ohio

Sans résolution plus élevée / zoom

Alors le gouvernement a proposé aux policiers de suivre des cours aux facultés d'État, avec une augmentation de salaire pour des notes convenables. Il espérait que la familiarité diminuerait l'hostilité entre étudiants et forces de l'ordre, attitude qui avait conduit au drame. 

Une de ces facultés était « William Paterson College in the State of New Jersey » (maintenant William Paterson University), où j'étais professeur.

# # #

Quand des étudiants ont manifesté contre cette décision, j'ai écrit un article dans le journal de la fac intitulé « Pourquoi les flics sont des frères ». Je disais qu'on devenait policier non pas pour taper sur les jeunes, mais pour la sécurité du travail. 

J'ai proposé d'assumer ce cours, à condition de dire que j'étais marxiste. « Je suppose que vous savez ce que vous faites », a dit le directeur du département.

Les choses ont mal commencé...


« Salut, chérie ! » 

Mais mon assistante était ravie :  


 Je lui avais demandé de distribuer une fiche a remplir et une liste de lectures. En revenant elle exclama avec ivresse, « Je leur ai dit d'aligner leurs sièges et ils l'ont fait! » Que des policiers obéissent à une jeune femme, Black en plus, était du jamais vu.

 
Les flics étaient en civile mais portaient des armes cachés. Ils étaient une trentaine, dont tous sauf un étaient blancs. On les distinguait immédiatement, bien que la plupart n'étaient pas beaucoup plus âgés que les étudiants. Leurs visages étaient durs. Certains s'étaient battus au Vietnam.

 

En les rencontrant j'ai dit, « Un bruit court que je suis une nonne. Ce n'est pas vrai. Un autre est que je suis marxiste. Cela est vrai. » 

Un homme au fond de la salle est sorti en claquant la porte.  

J'ai poursuivi le cours, disant que le marxisme n'avait rien à voir avec les gulags mais montre comment les changements profonds viennent de forces économiques et le comprendre aide à correctement identifier l'adversaire. 

Le lendemain le Doyen m'a fait appeler, comme le montre le premier dessin. Je ne pensais pas qu'il comprendrait la différence entre marxistes et soviétiques, et lui ai dit que j'avais la liberté de parole. 

Une heure plus tard le directeur du programme m'a aussi fait appeler : « Les hommes sont désolés », a-t'il dit. « Ils savent que rapporter au Doyen était incorrecte. L'homme qui la fait passe par un mauvais moment. Sa femme a fait une fausse couche. J'espère que vous lui pardonnerez. »  


Un groupe est venu pour s'excuser. « Tommy » est devenu un ami et je l'ai invité à prendre un verre. Il est entré, s'est assis, a posé son pistolet sur ma table —  et s'est endormi. Cela montrait que son stress est disparu en ma présence. Et qu'il avait conscience en moi : donner à un civil accès à son arme aurait pu le faire renvoyé. 

Pour connaître ces policiers, je leur ai demandé d'écrire pourquoi ils avaient choisi cette profession. Un certain Richard Wright a écrit trente pages brillantes.


Il venait d'une région où était une université célèbre (Princeton). Quand je lui ai demandé pourquoi il n'y avait pas tenté d'y être admis, il a dit qu'il n'y avait jamais entendu parlé. De droite dure il est resté réticent à mon égard, mais je me souviens de lui comme une des personnes les plus brillantes que je n'ai jamais rencontré : venant d'un milieu plus favorisé, il serait devenu, par exemple, un grand avocat.

Curieux de ce qui ce passait, des étudiants gauchistes assistaient au cours. Nous étions tous de la même génération, et nous nous sommes réunis plusieurs fois pour écouter des disques et discuter. 


J'ai demandé à un des flics s'il viendrait avec sa femme. « Non », a-t'il dit, « Elle croit que les jeunes la mépriseront. » Un autre a dit, « Quand je porte mon uniforme, même le président de cette faculté me respecte. »

Le Doyen n'avait pas oublié la rencontre que montre le dessin en haut de page et mon contrat n'a pas été renouvelé, ce qui a conduit à des manifestations.


Les flics ne les ont pas rejoint (ils auraient été renvoyés), mais regardaient en souriant. 

Mon dernier souvenir :

« Salut, Ritchie, on vous dira où sont les bombes. »
« Ho ho! »

# # #

Les flics sont-ils devenus marxistes ? Bien sûr que non. Ont-ils appris à accepter et respecter des gens qui pensaient autrement ? Je crois que oui. Les jeunes de même. 

Pour moi, ils sont mon souvenir d'enseignement le plus mémorable. J'ai souvent pensé à eux en écrivant ce blook.

# # #

Beaucoup plus tard, je suis tombée sur une catastrophe française comme celle de Kent State. En 1871 des soldats bretons ont tiré sur des manifestants désarmés, tuant onze personnes. Leur haine avait une cause : pendant la Révolution l'armée de la République avait massacré leur peuple.

La réponse de Louise Michel pourrait nous inspirer :  


Avant de condamner les extrémistes, qu'ils soient d'extrême droite ou jihadistes, nous devrions comprendre que la mise à l'écart et le mépris expliquent leur rage. Comme les soldats bretons ils sont trompés mais pas achetés, et comme la rebelle nous pourrions dire, « Rejoignez nous! »


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Je préparai une thèse de doctorat
en histoire africaine
et suis partie faire des recherches en Côte d'Ivoire. 

Elles ont conduit à cette suite,

*     *     *

Mais d'abord,






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