samedi 27 octobre 2018

UN FRACAS PRÉLIMINAIRE : LA FOLLE « DESCENTE DE LA COURTILLE »


« LA DESCENTE » ÉTAIT UN CORTÈGE ENDIABLÉ QUI DÉFERLAIT 
DE BELLEVILLE À L'HÔTEL DE VILLE DE PARIS, AUX PREMIÈRES HEURES DU MERCREDI DES CENDRES
(DES ANNÉES 1820 JUSQU'AU DÉBUT DES ANNÉES 1860)

C'est à dire, de la banlieue misérable jusqu'au cœur de la ville bourgeoise, défiant la pénitence demandée par l'Église.

           Adapté d'un plan de 1756 / zoom (déroulez)
Les flèches jaunes montrent où se trouve ce dont on parle, les flèches rouges le parcours des  promenades, comme à la page qui suit. 

La Descente de la Courtille de Charles Nanteuil, 1842 / zoom
Le tableau du Musée Carnavalet n'est plus exposé depuis la rénovation qui insiste sur les élites.
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À son origine était des taxes sur les marchandises entrant dans la ville, dues à la création d'une nouvelle enceinte. À l'est appauvri, des tavernes vendant le vin non imposé apparurent juste en dehors des portes.
(À partir de 1788)

L'Octroi de Belleville de J.-L.-G.-B. Palaiseau, vers 1790 / zoom

 Le Cabaret Ramponeau en bas Courtille vers 1761, anonyme / zoom
La taverne où le vin était particulièrement bon marché.

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Ils créèrent une contre-culture exprimé par le french cancan et le cortège :

  • Appelé « la danse des barrières », c'est la seule danse française conduite par des femmes. Son exubérante sexualité et des pas narguant l'autorité l'ont fait interdire à Paris : pour un exemple de sa provocation, cliquez et déroulez.
  • Un roman très lu montre sa transgression, et implicitement celle de la culture dont la danse était issue :

  
                             Les Mystères de Paris de Eugène Sue, 1848

Des danseurs s'échauffent avant d'assister à l'exécution de deux femmes à une barrière du sud (proche de l'actuel métro Saint-Jacques). Quand ces « cannibales » se précipitent pour assister à l'exécution, l'héro, un prince à cheval, les disperse.

  • « La Descente de la Courtille »* est un autre défi moqueur : les Bellevillois font la fête toute la nuit et à l'aube s'élancent vers Paris, costumés et ivres. Des bourgeois se joignent à eux pour s'encanailler, ou louent des emplacements pour les voir passer.

*« Courtille » : une petite cour devant une ferme et le nom initial du carrefour de Belleville

       La Bibliothèque historique de Paris, Facebook, sans autre information


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Le défilé révèle l'hostilité de classe longtemps avant que le conflit éclate :

  • Le Carêmesix semaines avant la Crucifixion, est pour les chrétiens un temps de jeune et d'abstinence pour penser à la mort du Christ et au sien. Il commence par le Mercredi des Cendres, quand on porte sur le front une croix de cendres en signe de pénitence.

Strasbourg, 2014 / zoom

  • Mardi Gras vient immédiatement avant le Mercredi des Cendres. Sa license est tolérée comme contraste avec l'austérité à venir.

La Nouvelle Orléans, 2011 / zoom

En ayant lieu non pas à Mardi Gras 
mais à l'aube du Mercredi des Cendres, la Descente provoquait l'Église, soutien des élites.

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En 1860 l'État transféra le mur d'octroi aux lointaines fortifications. Ainsi il établit son contrôle sur les périphéries turbulentes, par exemple permettant à la police d'arrêter des rebelles qui s'y réfugiaient.  

Adapté de Fortifications de Paris et de ses environs, 1841 / zoom

 

         La Bonne Ville de Paris et ses nouveaux enfants par Charles Vernier, Le Charivari, 1850  / zoom

Le Gouvernement bienveillant frotte La Villette, qui avait résisté à la mainmise de l'État avec une véhémence particulière ; Belleville essuie son nez avec sa main ; Bercy, où on stock le vin, boit au goulot.

Seule la fillette bien habillée des Batignolles, à l'ouest prospère, se comporte correctement.

Déplacer l'octroi mit fin aux tavernes et donc à La Descente.

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 L'industrialisation l'aurait stoppé de toute façon,
 en donnant aux pauvres moins de paie et moins de temps libre.
Mais repousser les barrières hâta sa disparition.

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