EN CHOISISSANT PARIS POUR SA LIBERTÉ, DES REBELLES, DES INTELLECTUELS ET DES ARTISTES ÉTRANGERS L'ONT FAIT ENTRER DANS L'HISTOIRE DE LEUR PAYS
Exemples :
- Quand l'insurrection polonaise de 1830 échoue, quatre mille rebelles émigrent à Paris. Elle devient « la capitale culturelle de la Pologne ».
-- Pacale Fautrier, Chopin, 2010
Chopin au salon du prince Radziwell de H. Siemiradski, 1887 / zoom
Le compositeur Frédéric Chopin vient pour des raisons personnelles, mais connaît et aide les réfugiés. Le maître de maison au centre du tableau l'accueil pour sa musique, mais aussi comme Polonais.
- Une génération plus tard, l'écrivain politique Alexandre Herzen publie — de Paris — un hebdomadaire qui donne les seules informations russes non censurées :
Le journal Kolokol (« La Cloche »), écrit en français et en russe (1855-1867) et influence l'émancipation des serfs en Russie (en 1861).
C'est en le consultant que Fiodor Dostoïvsky apprend que l'homme qui l'avait condamné à mort dans sa jeunesse obtint sa place de magistrat pour avoir trahi des révolutionnaires antérieurs (Dostoïevsky de Leonid Grossman, ed. fr. 2003).
- L'insurrection russe manquée de 1905 fait venir Lénine, Trotsky et beaucoup d'autres. Ils choisissent Paris parce que la vie y est moins chère qu'à Londres et la police moins attentive qu'à Genève :
Film de Sergui Yutkevich, réalisateur soviétique, 1981 |
Lénine habite près de la frontière sud (d'abord à la porte d'Orleans, ensuite dans le 13e) de 1908 à 1912. Il y publie le journal bolchévik Prolétari passé en contrebande en Russie, en confrontant à la fois factions russes et propriétaires méfiants des étrangers faméliques qui salissent les marches de l'escalier.
-- Lénine à Paris de Jean Freville, 1968
- Le dernier lieu d'exile du chef politique et religieux iranien Ayatollah Khomeini avant de devenir le dirigeant de son pays est en banlieue parisienne (à Neuphle-le-Château, en 1978-79) :
# # #
Des artistes viennent pour être libres d'expérimenter et de vivre à leur gré. La plupart s'installent dans les périphéries relativement abordables : Montmartre à partir des années 1870 et quand les loyers augmentent vers 1900, Montparnasse.*
Adapté d'un plan Google
Dans l'ensemble ils restent entre eux...
To Live and Paint in Montparnasse de F. Vicenti, « Bulletin de Christie's », février 2019 / zoom |
De gauche à droite : Brancusi, Chagall, Léger, Kandinksy, Man Ray, Braque, Hemingway, Fitzgerald, Modigliani, Picasso, Gauguin : seuls Léger et Gauguin sont français.
Peu curieux d'une ville qui les ignore aussi, comme le montre les œuvres situées à Paris de F. Scott Fitzgerald et de Ernest Hemingway :
- La fiction de Fitzgerald se passe dans le quartier fréquenté par les Américains aisés, entre l'Arc de Triomphe et l'Hôtel Ritz (lui-même habitait rue de Tilsitt, près de l'Arc). Exception: Babylon revisité (de 1930), où la rive gauche explicitement étrange est le cadre du désarroi de son protagoniste.
Fitzgerald n'aimait pas les Français, dit Hemingway, et n'avait de contacts qu'avec des subordonnés.
-- F. Scott Fitzgerald dans « Paris est une fête »
- Le dernier récit d'Hemingway, Paris est une fête (de 1964), est une célébration nostalgique de la ville de sa jeunesse... sans Français, à part les personnages pittoresques ou caricaturaux en arrière-plan.
Tels une jolie fille dans un café, un vendeur de lait de chèvre et son troupeau, un serveur avec une immense moustache, une hôtelière et un bouquiniste qui jugent réellement les livres par leurs couvertures. Son seul souvenir d'un personnage qui ne soit pas anglophone est du peintre bulgare Jules Pascin, rappelé par un badinage coquin avec ses modèles.
# # #
Le jazz, par contre, brise les frontières
- Les boîtes de nuit de Montparnasse et de Pigalle font de Paris la capitale de jazz d'Europe, qu'elle est toujours.
Le Pigalle, artiste inconnu, années 1920, Musée Carnavalet
Remarquez les lesbiennes, une référence à la liberté parisienne.
- L'affiche de Rico's* Creole Band des années 1930 orne l'atelier du peintre français André Girard
*Filiberto Rico de la Havane (1910? - 1976), qui introduit la rumba à Paris dans les années 1920.
Robert et Gabrielle Casadesus avec leur fils Jean (au piano vu de dos). Photo prise pour la Bell Telephone Hour en 1967 et aimablement envoyée par le petit-fils des musiciens.
# # #
Aujourd'hui l'écrasante majorité des artistes parisiens sont étrangers. Ils viennent pour la beauté de la ville et le genre de vie qui lui est associé, et parce que...
- Paris est moins cher que Londres ou New York.
- La centralisation et les aides de l'état conduisent au nombre exceptionnel de musées et de spectacles, à des prix abordables.
- Le prestige d'une adresse parisienne est utile chez soi et où ils exposent ou se produisent en tournée.
- Vivre au cœur de l'Europe occidentale aide artistes et musiciens de rayonner par des expositions et des tournées, et facilite les contacts internationaux.
- Tellement d'autres artistes sont présents, dans tous les domaines.
* En organisant des expositions ou des performances de 1985 à 2005
- T'ang Haywen, peintre chinois, parisien de 1948 à sa mort en 1991. Ses œuvres ont été exposées au Musée Guimet en 2024.
Il habitait une chambre de bonne au 6e étage, joignant les deux bouts par des leçons de calligraphie chinoise. Il ne cherchait pas la réussite et son succès actuel lui aurait paru inconcevable.
Pamela Spurdon |
Joigner le tangible et le vide pour faire sentir l'énergie.
- Ursuline Kairson, venue à Paris des États-Unis avec la production de Broadway Bubbling Brown Sugar, star au cabaret Le Paradis Latin cabaret... etc.
- Harald Wolff, allemand. Ses dessins paraissent dans ce blook.
Ils habitent où les loyers sont abordables,
et la périphérie est est devenue
le Montmartre et le Montparnasse actuelle.
* * *
Suite,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire