LES PETITES FERMES : RÉPRESSIONS ET ART DE VIVRE

« L'EUROPE MENAÇAIT LA FRANCE, ET LA FRANCE MENAÇAIT PARIS »

-- Victor Hugo, Quatre vingt-treize

et L'Ère des révolutions de Eric Hobsbawm, 1962, ont influencé cette page.

Quand la Révolution semblait au bord de la défaite ses dirigeants prirent l'extraordinaire décision de vendre en lots modestes des terres confisquées à l'Église et aux émigrés, pour que des paysans les achètent. Ils ne les céderaient jamais, rendant une contre-révolution impossible.

Ces fermes ont sauvé la Révolution française — et ralenti sa Révolution industrielle :

1940

• L'industrialisation requiert des bas salaires, donc une nourriture bon marché, donc une agriculture mécanisée, donc de vastes propriétés. En France, les petites fermes ont retardé cette transformation jusqu'aux années 1960. 

• Ces transferts n'ont pas eu lieu partout, des fermiers se sont souvent endettés, les terres divisées entre héritiers sont devenues trop petites — mais ces fermes ont transformé la France comme ne s'est fait nulle part ailleurs.

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La mutation explique complètement ou en partie...

• La masse de volontaires qui ont afflué vers les armées révolutionnaires :

  La Bataille de Jemappes, le 6 novembre 1792 de Raymond Desvarreux-Larpenteur, 1913 / zoom

 

Confisquer et vendre les terres de l'Église et des émigrés n'a rien à voir avec « des paveurs, pieds nus, arrêtant la brouette d'un colporteur qui offraient des chaussures à vendre, se cotisant et achetant quinze paires de souliers qu'ils envoyaient à la Convention pour nos soldats ». Mais c'est une raison pour la multitude de volontaires qui sans uniformes, expérience ou stratégie ont gagné cette bataille décisive en se précipitant vers les conscrits autrichiens envolés de force et maîtrisés par le combat en rangs, qui se sont enfuis. 

-- Achat souliers : Quatrevignt-treize de Victor Hugo, ed. 1979, p. 142

Armées françaises et autrichiennes, Eric Hobsbawm

• La fin des famines et des révoltes paysannes.

• Le peu d'émigration.

• Les insurrections urbaines et leur répressions barbares, tragédies spécifiques à la France : parce que les bénéfices relativement faibles des industriels rendaient  accepter les exigences des travailleurs plus difficile ?  

 Barricade, rue de la Mortellerie, juin 1848 d'après un croquis fait sur place par Ernest Meissonnier / zoom

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Ces fermes expliquent aussi une production à petite échelle,

propice à... 

• La fabrication d'articles de luxe, perpétuant la qualité dont l'origine était la cour royale :
  

Par RBW, illustrateur pour Vogue américain, années 1930-1950 ; avec l'aimable autorisation de la comtesse Fabienne Bouët-Willaumez

René Bouët-Willaumez (1900-1979), un comte français, observe les parvenus avec une touche d'ironie.

• Le prestige d'intellectuels :

• Les cafés où rester indéfiniment pour le prix d'un expresse :

 Un café à Saint-Germain-des-Prés par Foujita, années 1950, Musée Carnavalet

• Les valeurs traditionnelles, l'excellente cuisine, les longs déjeuners et un mode de vie qui pour les classes moyennes était en général calme et agréable :

 École impressionniste, fin du XIXe siècle en France, anonyme, vente d'antiquaire  

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L'exode rurale des années 1960 et la mondialisation

ont effacé ces fermes,*

et de la société dont elles étaient la base

il ne reste que des traces.

* Les agriculteurs composaient 35% de la population française en 1946, moins de 2% aujourd'hui (La Révolte des tracteurs, éditorial, Le Monde diplomatique, février 2024).

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