samedi 30 mai 2015

IV. 2. LA PEUR, AGENT INSOLITE DE LA GRANDEUR URBAINE

MENU : 4.2. La peur et la grandeur urbaine

UNE FEMME DE PRÉFET « TREMBLAIT EXTRÊMEMENT, CAR ELLE AVAIT ENTENDU TOUT À L'HEURE, SUR UNE ORGUE, UNE POLKA QUI ÉTAIT UN SIGNAL ENTRE LES INSURGÉS » 
-- Éducation sentimentale par Gustave Stendhal, 1869

L'insurrection ouvrière sans précédent terrorise les possédants. Elle explique l'arrivée du Second Empire, le régime le plus autocratique de l'époque, qui interdit les syndicats et transforme la ville de façon a faciliter la répression d'une prochaine insurrection. 
 
De 1853 à 1869 les Parisians subissent le bruit, la poussière et les gravats. 

L'Empereur Napoléon III octroie au Baron Haussmann le contrôle des périphérie de Paris (en 1859), au Musée Carnavalet. Le tableau pourrait aussi bien montrer sa nomination comme l'impitoyable responsable de la transformation.

La métamorphose commence dix-huit mois après le coup d'état (du 2 décembre 1851), le temps de trouver un remplaçant (Haussmann) pour l'adminisrateur timide, de forcer le financement, de décider des nouvelles artères et déterminer les dédommagements pour les immeubles à détruire.  

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Transformations principales


  • Des artères géantes et des immeubles homogènes et imposantes remplacent les des quartiers tumultueux avec leurs petites rues et leurs maisons étroites.


Arrière-plan, La Liberté guide le people de Delacroix, 1831 / Le boulevard Montmartre au printemps par Pissaro, 1897
 
  • Des places immenses au centre et à l'est, territoires populaires, permettent d'assembler des troupes en les isolant des habitants

  • La spéculation et la corruption créent des magnats : « Aristide Rougon s'abattit sur Paris, au lendemain du 2 décembre avec ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les champs de bataille. »

1871

Les loyers beaucoup plus élevés obligent un grand nombre de pauvres de se déplacer en banlieue, donnant au gouvernement le contrôle du centre.  

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L'autocratique Second Empire, qui était lui-même une réponse à l'insurrection qui vient d'être décrite, a immédiatement interdit les syndicats, et a commencé la transformation de la ville dès que l'Empereur puisse remplacer un administrateur timide avec un délégué implacable.*

* Coup d'état, le 2 décembre 1851 ; début de la transformation, mai 1853. 

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Le Musée Carnavalet renvoie l'insurrection de Juin à une table en fond d'étage, et octroie au Baron Haussmann, ce dirigeant, une salle à lui seul :



Les historiens soulignent la modernisation, qui dans la ville encore médiévale était inévitable. Ils mentionnent l'aspect militaire comme un objectif parmi d'autres, ou pas du tout.*  

*Deux études qui en font allusion : Paris, bivouac des révolutions par Robert Tombs (1999) et L'Invention of Paris par Éric Hazan (2001). Mais Tombs la mentionne qu'en passant (p.56) et Hazan ne la dit pas primordial. 

Observer la mutation montre
que la priorité était de faciliter
l'écrasement d'une insurrection future.
  • La répression a laissé des cadeaux 
    *     *     *
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    jeudi 28 mai 2015

    « MIEUX VAUT PRÉVENIR... » : DES ÉGLISES ET UN PARC


    « ON PEUT TOUT FAIRE AVEC LES BAÏONNETTES SAUF
    S'ASSEOIR DESSUS », DIT NAPOLÉON III

    Donc il encourage donc une croyance qui apprend aux pauvres
    « cette utile résignation aux conditions de la société » en...
    -- Thiers cité par Valence, Thiers 
    •  Construisant des églises :

    Notre-Dame de la Gare au sud-est misérable (1847-59)

    Saint-Bernard de la Chapelle au nord, où l'industrialisation se lance (1858-61) 

    • Faisant enseigner le catéchisme à l'école. 
    La « loi Falloux » (adopté un an avant que Napoleon prenne le pouvoir) porte le nom du comte ultra-conservateur qui avait conduit l'opposition aux Ateliers nationaux.

    • Encourageant une charité condescendante envers les pauvres et valorisante pour les sponsors :

    Tableau dans une vitrine d'antiquaire

    Les dames de la bonne société ont leur pauvres « à eux » et donnent peu d'aumônes après la messe pour ne pas sembler chercher les « clients » d'une autre. 
    -- Jean Renoir, Mon père

     « Pour faire une bonne dame patronnesse 
    Mesdames, tricotez tout en couleur caca d'oie 
    Ce qui permet, le dimanche, à la grand-messe
    De reconnaître ses pauvres à soi ». 
     -- Jacques Brel, Youtube
    Chanson écrite en 1960, moquant une mentalité qui existait toujours
    (Brel chante les derniers mots de façon appuyée.)

    Suites :

    • Paris devient un haut-lieu d'architecture néo-gothique.

    •  Un anticléricalisme viscérale, tel le pas « cathédrale » du french cancan :

    Les culottes étaient percées. Pour le contexte de la danse, cliquez et déroulez.

    D'autres raisons pour cette hostilité 

    • La confection bon marché des religieuses réduit les tarifs des couturières.

    • Déclarer des bébés nés hors mariage coûte deux jours de salaire d'ouvrier, quand un quart de couples ouvriers vivent en union libre.  
    # # #

    « L'Empereur socialiste »* offre, néanmoins, un parc superbe aux pauvres dans l'est ouvrier :
    (Les Buttes-Chaumont, en 1867)

    * Napoléon III avait écrit L'extinction du paupérisme et souhaitait sincèrement aider les travailleurs... sans déranger les patrons.  

    Internet, sans autres informations
    Victor Locuratolo

    Ces palliatifs ne changent rien
    aux conditions de travail et aux salaires.
    Tremblant encore de Juin, 
    la droite s'attend à une autre insurrection.

    *     *     *

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    mercredi 27 mai 2015

    OUVRIR LA VILLE À L'ARMÉE


    « ...CES GRANDES ARTÈRES STRATÉGIQUES REFOULERTONT
    LES OUVRIERS ET SERVIRONT AUSSI À LES CONTENIR... »
    -- Le baron Haussmann,
     cité dans l'Atlas du Paris haussmannien de Pierre Pinon, 2002, p. 93

    L'Empereur nomme Haussmann (partie supérieur du tableau au Musée Carnavalet)

    La métamorphose continue au moins jusqu'en 1925... 

    Percement du boulevard Haussmann en 1925 zoom

    Mais l'essentiel se fait dans les années qui suivent l'insurrection de Juin 1848.

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    L'artère qui perce à travers la ville permet aux troupes dépêchées des frontières de marcher vers le centre, sans l'obstacle des ruelles :

    La gare de l'Est. La gare du Nord est à quelques pas. 

    Adapté d'une vue aérienne sur Google
     La rue du chat qui pêche5e (entre Notre-Dame et Saint-Michel)
    Une ruelle qui a survécu.

    La destruction s'est étendue à l'est de la rue Saint-Denis, où avaient été les barricades de Juin...  

     Adapté d'un document de la National Library / zoom
    Éviter la présence d'ouvriers au centre explique l'emplacement des gares en périphérie, en contraste avec Londres et New York.* 

    *Sauf les gares de l'Est et du Nord, construites ou conçues juste avant l'insurrection de 1848, et l'ancienne gare d'Orsay, construite en 1898 quand des grèves avaient remplacé les révoltes. 

    « Les ouvriers se voient ainsi repoussés vers les faubourgs [...]. Cette circonstance influencera avantageusement le maintien de l'ordre et la sécurité public. »
    -- Le général Moltke en visite à Paris, 
    cité dans l'Atlas du Paris haussmannien ci-dessusp. 93

    # # #

    Ces démolitions expliquent le peu de vestiges médiévaux, l'aspect morne d'une grande partie du centre, et l'harmonie due à la démolition des anciens quartiers populaires et à leur reconstruction pour la bourgeoisie en style homogène...

    Le carrefour à Etienne Marcel

     1 Boulevard Poissonnière, 9e, Internet, photographe non nommé

    Ce sont des rues où s'élevaient
     les barricades de Juin.

    *    *    *
      
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    lundi 25 mai 2015

    DES PLACES IMMENSES POUR ASSEMBLER LES TROUPES


    L'ARTÈRE QUI VIENT D'ETRE DÉCRITE CONDUIT À UN RÉSEAU AUTOUR DE VIDES POUR ACCEUILLIR TROUPES, CHEVAUX ET CANONS 
    (PARMI LES PREMIERS TRAVAUX, EN 1852-1853)

    La place Saint-Michel et les vides devant Notre-Dame et l'Hôtel de Ville :

    Adapté d'un plan Google

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    En arrivant au fleuveles troupes traverseraient un nouveau pont joindre la rive gauche par la place Saint-Michel prodigieusement agrandie :

    « N » : d'abord, le pont Napoleon III ; après la chute de l'Empereur, le pont National

      « Murs de Paris découverts par les démolitions de la place Saint-Michel », gravure de 1860 / zoom

         Adapté d'une photo du web, photographe non nommé


    D'où elles pouvaient...

    • Prendre la prolongation de l'artère vers la périphérie ouvrière du sud....

    Le boulevard Saint-Michel

    •  Ou bien, prendre des rues élargies vers le parvis de Notre-Dame, aussi extraordinairement agrandi : 

     Vue prise d'une tour de Notre-Dame
    • De l'extrémité du parvis les soldats pouvaient prendre une autre rue élargie et un autre pont renforcé vers un autre espace géant, l'esplanade de l'Hôtel de Ville :

     « Prise de l'Hôtel de Ville » (coupée) de Amédée Bourgeois, 1831 zoom
    Le pont avant les travaux

    Le pont transformé

    • L'esplanade de l'Hôtel de Ville, avant et après les travaux

    Modèle au Musée Carnavalet
    En 1830

    Dessin de  T.J.H. Hoffbayer vers 1880 d'après des documents d'archive / zoom
    En 1855 



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    Cette esplanade devient le nœud du réseau rive droite...



    • À gauche, l'ancienne voie de commerce relativement droite (la rue Saint-Antoine), élargie pour des tournois et la voie du cortège de Louis XIV) : elle est assez large et droite pour que l'armée s'y déplace et construire une artère de plus n'est pas nécessaire.


    • À droite, une rue insignifiante longe l'espace  comme à Notre-Dame. Elle conduit à une autre vaste rue rectiligne, que conduit à Châtelet, le cœur de la rive droite...




    Derrière l'Hôtel de Ville était la caserne Lobau. À suivre.

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     Ces changements permettaient, bien sûr,
    une circulation infiniment plus fluide,
    et faisaient rentrer l'air et la lumière. 

    Mais les trois vides immenses,
    dont deux sont des impasses,
    étaient conçus pour assembler l'armée.

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