mardi 30 septembre 2014

V.1.2. EXPLOSION

MENU : 5.4.1.b. Explosion

LE GOVERNEMENT TENTE DE REPRENDRE LES CANONS, 
ÉCHOUE ET DANS LE VIDE UNE EXTRAORDINAIRE EXPÉRIENCE COMMENCE 

Zoom


*    *    *

Suite,
« Trahis ! »






dimanche 28 septembre 2014

« TRAHIS ! »


LE 18 MARS DES TROUPES QUITTENT LEUR CASERNE À DEUX HEURES DE MATIN, POUR SAISIR LES CANONS PAR SURPRISE

Pas de chevaux, pas d'hennissements. Le son étouffé de la marche ne réveille pas la ville qui dort :

La Prise des canons du 18 mars 1871. Planche de  L'Exécution de Jean-Paul Dethorey, 1994,
       exposée au Musée de Saint-Denis

Ils arrivent à la butte Montmartre. Un garde demande à voir l'ordre de marche. Une balle part et il est mortellement blessé.

Il meurt une semaine plus tard, disant que sa vie valait bien le bouleversement auquel cette balle a conduit.  

« Trahis ! », crie une institutrice en dévalant la butte : Louise Michel entre dans l'Histoire

Louise Michel, la vierge rouge, ses mémoires en BD,
de Mary et Bryon Tolbat, trad. de l'anglais (La librairie Vuibert), 2016

« Dans l'aube qui se levait on entendait le tocsin ; nous montions au pas de charge, sachant qu'au sommet il y avait une armée rangée en bataille. Nous pensions mourir pour la liberté. 

On était comme soulevés de terre. Nous morts, Paris se fût levé. Les foules à certaines heures sont l'avant-garde de l'océan humain.

La butte était enveloppée d'une lumière blanche, une aube splendide de délivrance. »  
-- La Commune 

# # #

Les chevaux n'arrivant que plus tard, les soldats commencent à tirer les canons vers la ville. Mais ils ne résistent pas quand la foule les saisit et les ramène au sommet.

Le soldat sera montré fumant et laissant faire :

22 mai, 1871. Femme conduisant une mitrailleuse place Turenne, « Le Monde Illustré » / zoom (déroulez la page)  

 « Paris pendant la Commune : construction d'une barricade le 18 mars »
-- Claretie

# # #

Le tocsin propage immédiatement la nouvelle et malgré les rues vastes et droites construites pour les prévenir, des barricades surgissent dans tout l'est de la ville.

Un officer est tué au pied de la butte Montmartre :  
(À la place Pigalle)

    Le Monde illustré, 25 mars 1871 / zoom (déroulez la page)

Le tocsin sonne et des tambours de la Garde roulent l'appel aux armes

Cette ambiance explique la suite.  

Mais d'abord, Louise Michel.

*     *     *





vendredi 26 septembre 2014

L'AMOUR HUMANISE UNE ICÔNE


LOUISE MICHEL SEMBLE N'AVOIR QU'UNE SEULE DIMENSION : HÉROÏNE DE LA COMMUNE...

« Ne me couchant, je pourrais dire jamais, je dormais un peu et n'importe où, quand il n'y avait rien de mieux à faire ; bien d'autres ont fait autant... » 
Biographie de Edith Thomas, 1971, pdf (en anglais),

    Internet, lien disparu
 « Le peuple n'obtient que ce qu'il prend. »

 ...ou « révolutionnaire à idée fixe, sévère, pesante, marchant d'un pas lourd au devant de la Commune, sans vie hors de la cause ». 
-- Paris Babylon de Rupert Christensen, p.316
-- Beaucoup plus objectif : Georges et Louise de Michel Ragon, 2000

Une vie qu'on croit tout d'une pièce 

  •  Rebelle et « outsider » de naissance...


Louise est l'enfant illégitime d'une servante et du fils du maître. Son refus de la reconnaître était une insulte, à elle et à sa mère bien aimée. Elle est née insoumise.

L'excellente éducation donnée par ses grand-parents, châtelains, la rend aussi inapte à une condition servile que sa naissance pour la respectabilité.  

La seule ouverture professionnelle est l'enseignement, mais elle refuse de prêter serment à l'Empire et les établissements officiels lui sont fermés. Premier exploit : fonder une école de filles en Montmartre démuni. 


  • Pendant le siège, conductrice d'ambulance, soignante de blessés et combattante


« Je n'étais pas un si mauvais soldat. »

 

  • Pendant la Commune une oratrice renommée

Jean Renoir se souvient que sa tante allait l'entendre. Vuillaume ne la connait pas mais mentionne un discours. Des gardes qui la prennent pour un espion refusent de croire que c'est bien elle, donc la connaissent de nom.

  • Déportée en Nouvelle Calédonie, amnistiée avec les autres survivants (en 1880), elle passe le reste de sa vie à défendre les plus vulnérables, des prostituées, des délinquants, des fous.
  • À sa mort elle se croit oubliée. Mais son convoi funéraire attire une foule de 120,000, aidant à unir le mouvement socialiste (en 1905) :


« Le Cortège funéraire de Louise Michel » de Albert Peters-Desreract, Musée de la Ville de Saint-Denis
L'artiste fait disparaître le cercueil dans la foule. 

Carte postale : le maire de la banlieue où elle repose (Levallois-Perret) lit son discours.


Célébrité actuelle :
  • Un parc, une bibliothèque et un métro portent son nom 

Le parc est devant l'église du Sacré-Cœur, sur le lieu où La Commune a éclaté. 

Internet, photographe non nommé
À l'est évidemment (au 29 rue des Haies, 20e)

L'unique métro nommé pour une femme seule.

  • Elle fait partie de la culture populaire

Décor du restaurant Les Trois Frères à La Goutte d'Or

Elle fait partie de la cérémonie d'ouverture des J.O. (en 2024)

# # #

Une contradiction pourtant : exiger pendant La Commune de fusiller un otage par jour tranche avec sa bonté légendaire, même de descendre d'une barricade pour sauver un chat.

Une exaltation due à l'homme de sa vie, Théophile Ferré ? 

La  Vierge rouge, narration d'Alain Decaux, YouTube 2019

Un fanatique devenu chef de police pendant la Semaine sanglante, il fait incendier l'Hôtel de Ville avec son plafond par Delacroix, fait fusiller le bienveillant archevêque de Paris avec cinq autres membres du clergé et ordonne l'exécution d'une vingtaine d'autres otages (le directeur de la prison n'obéit pas).

Il est aussi indifférent à sa propre vie : 

-- « Ce ne sont pas dans des draps que nous dormons mais dans des linceuls. »
-- « Qu'importe. »

Rendons-lui justice : à son procès il admet son rôle ce que d'autres ne font pas, et par conséquent est le seul membre de La Commune à être fusillé.

Il n'est pas amoureux de Louise : « Je vous sers fraternellement la main », lui écrit-il juste avant sa mort.
-- La plupart des informations : Vuillaume
-- Le directeur n'obéit pas : Eléments d'histoire du XIIIe arrondissement par Gérard Comte 1989
      -- Procès : Procès des communards par Jacques Rougerie,1964 


Louise dit peu sur La Commune
dans ses mémoires. 
À cause de lui ?

*     *     * 

vendredi 19 septembre 2014

LA FOULE ET LES TROUPES FRATERNISENT



L'ABSENCE D'UN ESPACE POUR ISOLER LES TROUPES
DÉCLENCHE LE DRAME QUI CONDUIT À LA COMMUNE

Laisser soldats et résidents se mêler était un « grand tort » dit le détesté général Aurelle de Paladinecomme si sans espace séparé y avait eu un choix.

« Les Canons de la Garde nationale sur la butte Montmartre »dessin d'époque / 
Internet, source non nommée

« Femmes et enfants se mêlaient à la troupe, criant, "Ne tirez pas sur le peuple !" et "Vive la ligne !" Elle se trouva enveloppée et n'eut pas la force de résister à ces sortes d'ovations. »
-- Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871, 
cité par Edith Thomas dans l'intéressante étude, Les Pétroleuses (1963)

« Ces canons sont à nous » !

Les généraux ne tiennent pas conte des conscrits bien qu'ils savent le loyauté incertaine :

  • On ne pense pas à offrir du café à des troupes réveillées en pleine nuit et envoyés par surprise dans le froid glacial, et il n'y a pas de provisions à l'arrivée.  

  • La longue attente des chevaux conduit au contact avec des femmes venues de bonne heure au marché.  

  • Les harnais pour tirer les canons sont oubliés. Les soldats commencent à les tirer eux-mêmes, se sentant traités comme des animaux.
En même temps,
« Toutes les femmes sont descendues dans la rue,
 et aussi pas mal d'hommes.

On s'est glissé parmi les soldats. Vous vous rendez compte qu'on leur avait même pas donné du café, à ces pauvres petiots, avant de nous les envoyer ! Alors nous, on leur a porté à manger et à boire [...] Quand leur général leur a dit de tirer sur nous, ils ont vite fait d'écouter plutôt le sous-officier qui leur disait de mettre crosse en l'air ! »
-- Une résidente de Montmartre

# # #

L'explosion

  • Le commandant, Claude Lecomte, refuse de faire emmener le garde blessé à l'hôpital en bas de la butte : un médecin fait ce qu'il peut, mais la victime reste à la vue de tous.

     La Vierge rouge, narrateur Alain Decaux, YouTube, 2019

  • Des hommes appellent les soldats « frères ». Des jeunes filles lancent des œillades. Un à un les conscrits rejoignent les résidents, aux applaudissements de la foule.
--  Louise Michel
  • Lecomte commande de tirer sur la foule — trois fois !  — et dit qu'il fusillera tout soldat qui s'allie avec « cette vermine » :


  • Un officier subalterne * crie aux soldats,  « Ne tirez pas sur d'autres français ! Levez vos crosses en l'air ! »

* Il s'appelle Verdaguerre et Versailles le fera fusillé. 




  • Les soldats mettent leurs crosses en l'air. Lecomte est arrêté :



  • Les Montmartrois ne connaissent pas Lecomte, et pour le moment rien lui arrive : « La foule était là, compacte, bruyante, mais toutefois ne montrait aucune hostilité ; le général avait pu déjeuner tranquillement avec quelques-uns de ses officiers... »
-- Témoignage dans Ma Commune de Paris (deroulez la page) 

# # #

« Le 18 mars devait appartenir à l'étranger, 
allié des rois, ou au peuple. 
Il appartint au peuple. »
-- Louise Michel
*      *      *

Suite,
Un général inconscient se lance dans l'arène 






lundi 15 septembre 2014

UN GÉNÉRAL INCONSCIENT SE LANCE DANS L'ARÈNE


CLÉMENT-THOMAS, LE JEUNE RÉPUBLICAIN QUI AVAIT RÉPONDU AVEC INDIGNATION À L'OFFRE DE SOUDOIEMENT PAR THIERS, APPARAÎT

Ebay
 « Général Clément Thomas, assassiné le 18 mars par le Comité Central 1871 »


Il est un ami du fils de Victor Hugo, appelle la Légion d'Honneur un « hochet de vanité » et, ardent républicain, il...

  • Participe à plusieurs complots d'officiers au début des années 1830, est emprisonné, s'échappe et vit en exile.

  • Revient sous la Seconde République, est élu député de la Gironde et est nommé Commandant de la Garde nationale.

  • S'oppose au Second Empire, organise une révolte en Gironde, est exilé.

  • Revient en France après la chute de l'Empire et devient de nouveau Commandant de la Garde, à la fin du siège et à son moment le plus difficile.

# # #

Mais il a « un arriéré à payer : » en mai 1848 en tant que Commandant de la Garde il fait arrêter les dirigeants de gauche...
--  Citation : Louise Michel

Page de journal vendu sur eBay
Ce journal conservateur décrit le chaos « indescriptible » quand cinq ou six cent « sauvages » interrompent une réunion de l'Assemblée. L'image fait supposer que Clément figure sur la prochaine page (qui n'est pas sur eBay) comme l'héro qui rétablit l'ordre. 

...et est décoré pour la fugue avec laquelle il participe à la répression de Juin :

« Le général Clément-Thomas, commandant de la garde nationale à la prise de la barricade culture saint-catherine le 24 juin 1848 » 

 
De plus...


« Belleville ne pardonne pas le massacre inutile de ses gardes nationaux. Des enfants pleurent rue Rébeval, des femmes hurlent rue du Renard, partout l’on rapporte des cadavres de tirailleurs. » 
-- Florent Rastel, mémorialiste, Ma Commune de Paris

  • Devenu commandant de la Garde il...

 

 

  • Fait placarder des affiches « d'insultes et de menaces » qui provoquent la manifestation et les morts devant l'Hôtel de Ville.
.-- « Insultes et menaces » : Louise Michel

  • Le général Trochu, gouverneur de Paris, écrit qu'« avec une fermeté la plus digne d'éloges » il renvoie plus de six cents officiers qui « s'agitaient bruyamment pendant le siège » (en demandant une lutte plus vigoureuse contre les Prussiens, on suppose).
-- Œuvres Posthumes, 653 (à lire sur le web)

  • Il continue en disant que Clément va à Montmartre « pour observation », donc comme espion.* Il est reconnu en esquissant une barricade en bas de la butte.

*Certains textes dise qu'il est reconnu bien que portant une tenue civile (italiques ajoutées). Justement : il était de notoriété public qu'en Juin des officiers habillés en civile observaient les barricades (Stern le dit dans une note). Que Clément ait osé se montrer du tout, et surtout dans cette tenue, montre à quel point il méconnaissait ses adversaires. 

# # #

Les lynchages

  • On emmène Clément au sommet de la Butte, où sont les canons, le chef-lieu de la garde et la foule. « La colère monte, une balle part, les autres s'envolent d'elles-mêmes ». Criant « Vive la République ! » il est criblé d'une quarantaine de balles. 

  • La foule tire Lecomte de la caserne des gardes. Il dit qu'il a cinq enfants, plaide pour sa vie. Mais quelqu'un s'écrie, « si on ne le tue pas, il nous tuera ! » et on le fusille aussi.
-- Récit de Louise Michel

On sait peu sur Lecomte mais Clément est courageux,
désintéressé, sincère. « Il est mort bien », dit Michel.

Mais il partage la myopie
de presque tous les républicains bourgeois,
qui ne comprennent pas que depuis Juin
ils « dansent sur des cadavres ». 
-- Citation : Louise Michel