mercredi 20 janvier 2016

III.1.5. TOMBÉE DE RIDEAU

3.1.5. Tombée de rideau

LA CROISSANCE ÉCONOMIQUÉE ETAIT TELLE QUE « LES BARRIÈRES AU CAPITALISME DEVAIENT ÊTRE BRISÉES. ELLES ONT ÉTÉ BRISÉES » 
-- Karl Marx
-- Source principale ici : Histoire de la Révolution française de Jules Michelet, 1847,
 dir. Pierre Gaxotte, ed. abrégée, 1971
 
La transformation était inévitable, la chute de la monarchie ne l'était pas : la reine en cassant les codes le roi en les affirmant, expliquent sa fin.
 
Vue du Louvre quand le roi arrive à Paris le 17 juillets, escorté d'un grand nombre de citoyens armés de piques et de mousquets qui l'ont accompagnés à l'Hôtel de Ville de Jean-Pierre Houël, 1789 / zoom

Louis XVI est accueilli avec un enthousiasme immense quand il vient à Paris quelques jours après la prise de la Bastille, car sa visite semble indiquer qu'il l'accepte.


En bref


*     *     *

Suite,






mardi 19 janvier 2016

LA REINE BRISE DES RÈGLES QU'ELLE NE COMPREND PAS


« JE JOUIERAIS DES JOIES D'UNE VIE PRIVÉE, QUI N'EXISTE PAS POUR NOUS [LES ROYAUX], SI NOUS N'AVONS LE BON ESPRIT DE NOUS L'ASSURER » 
-- Marie-Antoinette

« Ma mémoire m'a rappelé fidèlement tout le charme qu'une illusion si douce faisait entrevoir à la reine, dans un projet dont elle ne pénétrait ni l'impossibilité ni le danger. »
-- Madame Campan, sa première femme de chambre

         Le Hameau par Claude-Louis Châtelet, 1786 / zoom
La ferme de conte de fée où la reine s'éclipsait avec sa clique  

Elle décrit de façon vivante les clans, les potins et les intrigues de la cour de Louis XVI, et explique comment Marie-Antoinette prit son désastreux chemin. 

Passage au début de son mémoire

« Les gens sincèrement attachés à la reine ont toujours regardé comme un de ses premiers malheurs, peut-être même comme le plus grand [...] de n'avoir pas rencontré, dans la personne naturellement placée pour être son conseil, une personne indulgente, éclairée [...] qui aurait fait sentir à la jeune princesse qu'en France sa dignité tenait beaucoup aux usages [...] et surtout de garantir par un entourage imposant des traits mortels de la calomnie. »
-- Mémoires de Madame Campan, ed. 1988, pp. 52- 53, légèrement adapté 

# # #
 
Marie-Antoinette n'avait même pas quinze ans quand elle épousa Dauphin...

Marie-Antoinette, Archduchess of Austria, age 12, 1767-1768 / zoom

Elle refusa de suivre les codes de la Cour, surtout le fait qu'à part l'obligation de donner des enfants à la France le rôle des reines n'était que cérémonial. En devenant l'icône de la mode elle souligna Paris comme centre d'élégance, mais défia l'obligation de rester dans l'ombre. 

Souvenirs de Léonard, coiffeur de la reine Marie-Antoinette / YouTube, zoom  (déroulez la page)

Pire, puisque Louis XVI n'avait pas d'ami intime, elle assuma involontairement le rôle de favori(te), la personne le plus proche du roi. Ces personnages étaient officiels, détestés — et presque indispensables : 

 

 
Diane de Poitiers, vers 1550 ; Leonora Galigai, vers 1615 ; le marquis de Cinq-Mars, vers 1640 ; la marquise de Montespan, vers 1670 ; la Marquise de Pompadour, vers 1640 ; la Comtesse du Barry, vers 1770

  • En tant que nobles, elles partageaient les dons du roi avec leurs clans, qui obtenaient ainsi l'accès temporaire au pouvoir sans risquer une révolte.

  • L'institution évolua : la monarchie beaucoup plus puissante de Louis XIV rendait les révoltes impossibles, et les favorites d'origine roturière de Louis XV (Jeanne Poisson devenue marquise de Pompadour et Jeanne Bécu devenue comtesse du Barry) n'avaient pas de clan a favoriser.
Mais des clans s'improvisèrent autour ou contre elles, favorisant les luttes d'influence et les intrigues qui donnait souvent son sens à la vie de cour étouffante et extrêmement onéreuse. 

Les favoris étaient aussi des paratonnerres dont l'extravagance attiraient la rage populaire, laissant croire le roi bienveillant mais trompé.   

# # #

Aussi, en choisissant un petit nombre de proches dans une cour hiérarchique où la proximité aux royaux déterminait l'identité, elle s'attira des ennemis puissants.*

*Louis XV avait déjà brisé les règles quand sa favorite, la Marquise de Pompadour, organisa et joua des comédies où seuls quelques privilégiés étaient invités. L'innovation a été rapidement annulée sous  prétexte de leur coût, mais en fait à cause de l'hostilité de courtisans exclus.
-- La Reine et la favorite par Simone Bertière, 2000, pp. 347-354 
 
Les dames qui se sont succédées comme meilleur amie de la reine étaient désintéressées...


La princess de Lamballe   zoom                                                      La comtesse de Polignac / zoom: 
                                                         Une aïeul de la famille royale de Monaco.

Madame Campan dit de la comtesse de Polignac, "J'ai toujours cru que sa sincère attachement à la reine, autant que son goût pour la simplicité, lui faisait éviter tout ce qui pouvait faire croire à la richesse d'une favorite. Elle n'avait aucun des défauts qui accompagnent presque toujours ce titre." Ce qui n'était pas le cas de son clan.

La princesse de Lamballe, revenue d'Angleterre pour être près de reine quand son destin assombrit, a en été massacrée (à suivre).

Mais leurs clans monopolisaient les avantages. 


Les courtisans écartés sont devenus des ennemis. 
C'est eux qui ont inventé les tractes grossiers,* 
envoyés dans le royaume entier du Palais-Royal. 
  
*Tel le pornographique Vie de Marie-Antoinette qu'on peut lire sur le web.
        

dimanche 17 janvier 2016

« QU'ILS MANGENT DE LA BRIOCHE ... »




ÉTAIT DIT  PAR UNE DES FILLES DE LOUIS XV

Des révolutionnaires du Palais-Royal l'a utilisé pour attaquer Marie-Antoinette, dont la frivolité rendait une cible.
  
*Tel le pornographique Vie de Marie-Antoinette qu'on peut lire sur le web.

    Marie-Antoinette par Sophie Coppola avec Kristen Dunst, 2006 / stream 

« Let them eat cake » fait partie de la culture américaine :

 *Maureen Dowd dans le The New York Times.


  • Quand Trump a démolit une partie de la Maison Blanche pour construire une salle de bal on parle de la « la-de-da [prétentieuse] salle de bal à la Marie-Antoinette »* ....

* James Raskin, membre du Congrès, podcast de Bryan Taylor Cohen, le 24 octobre 2025.


  • L'organisation de presse du gouverneur de la Californie crée une affiche : TRUMP "MARIE-ANTOINETTE" DIT, "PAS DE SOINS DE SANTÉ POUR VOUS PAYSANS, MAIS UNE SALLE DE BAL POUR UNE REINE !"*

* Son annulation de fonds du gouvernement pour les soins de santé les rend inabordables pour une grande partie de la population. 

  
Marie-Antoinette avec la rose par  Louise-Elisabeth Vigée-Lebrunzoom  /  Facebook

Zoom (Déroulez la page.)


Mais...

 
 «  Au moins Marie Antoinette avait du STYLE ! »
Manifestation américaine anti-Trump, Cimetière des Innocents, 2025.

DES RAISONS AUTRE QUE LA FRIVOLITÉ EXPLIQUENT LE COMPORTEMENT DE LA REINE

 

LA SOCIÉTÉ DANS LAQUELLE L'ADOLESCENTE SE TROUVA APPARAÎT EN UN ART LÉGER, DÉCORATIF ET SOUVENT LICIENTIEUX, SANS SENS PLUS PROFOND

Cette ambiance facilita son inconscience. 


La Balançoire par Jean-Honoré Fragonard, 1767-1768 / zoom
Un homme âgé (le mari ?) pousse la balançoire d'une jeune femme coquette, pendant qu'un soupirant ébloui admire ses jambes et des cupidons s'enlacent. 

  • Les courtisans paraissaient la célébrer, tel l'hostile frère du roi (le futur Louis XVIII) qui organisa une fête où cinquante cavaliers sur des superbes montures  en combat en son honneur.  
-- Madame Campan, p.110
  • Sur les détails hiérarchiques des coiffures elle disait, « Arrangez tout cela comme vous l'entendrez : mais ne croyez pas qu'une reine, née archiduchesse d'Autriche, y apporte l'intérêt et l'attention qu'y donnait une princesse polonaise,* devenue reine de France.  » 
-- Madame Campan, p.372

*Marie Leczinska, épouse de Louis XV, insistait sur l'etiquette pour pallier ses origines inférieures : son père était un roi détrôné de la Pologne, pays dominé par ses voisins. 

# # #

Son inconséquence contribua à la chute de la royauté...


« Les Parisiens se seraient très probablement repris d'amour pour le Roi [après la fuite à Varennes, à suivre]. Ils avaient eu de tout temps un faible pour le gros homme qui n'était nullement méchant, et qui, dans son embonpoint, avait un air de bonhommie béate et paterne, tout à fait au gré de la foule. [...] Les dames de la halle l'appelaient un bon papa ; c'était toute la pensée du peuple. »
-- Michelet, p.77

Mais elle refléta
la société de cour dans son ensemble.

*     *     *

samedi 16 janvier 2016

UNE TÊTE D'OISEAU SE MONTRE À LA HAUTEUR

  

SON COURAGE FACE A UNE FOULE VOULANT LA TUER CONTREDIT SON IMAGE FRIVOLE

Le 5 octobre 1789 7-8,000 femmes saisissent des armes à l'Hôtel de Ville et marchent sur Versailles, pour demander du blé et ramener le roi à Paris.

La Fuite à Passy, estampe célèbre (Passy est une banlieue prospère sur la route de Versailles) / zoom

Des militantes menacent de couper les cheveux des femmes qui ne les rejoignent pas.

« La cause réelle, certaine, pour les femmes, pour la foule la plus misérable, ne fut autre que la faim. Ayant démonté un cavalier, à Versailles, ils tuèrent, mangèrent le cheval un peu près cru. 

Des hommes auraient-ils marché sur Versailles, si les femmes n'eussent précédé ? Cela est douteux. Personnes avant elles n'eut l'idée d'aller chercher le Roi. »

Michelet sur l'engagement des femmes :
« Les grandes misères sont féroces, 
elles frappent plutôt les faibles. »

Elles étaient plus sujettes à la faim que les hommes, car plus isolées, avec des enfants qui pleuraient et mourraient ou des couturières travaillant seules. (Michelet ne mentionne pas les lavandières, dont le travail était sociable.) Les marchandes des halles et les prostituées n'étaient pas misérables, mais elles étaient entourées de misère.

Faire revenir le roi à Paris :

« Le Roi doit vivre avec son peuple, voir ses souffrances, en souffrir, faire avec lui même ménage. [...] Si la Royauté n'est pas tyrannie, il faut qu'il y ait mariage, qu'il y ait communauté [...] N'était-ce pas une chose étrange et dénaturée, propre à sécher le cœur des rois, que de les tenir dans cette solitude égoïste, avec un peuple artificiel de mendiants dorés pour leur faire oublier le peuple ? Comment s'étonner qu'ils soient devenus, ces rois, étrangers, durs et barbares ? »  

# # #
 
La marche était beaucoup plus dure que le film et l'image célèbre ne le montrent. Elle eut lieu par une froide journée d'octobre et la foule marchait dans la boue.  

  • Une femme saisit un tambour des gardes et avança par la ville en le battant. D'autres l'ont rejoint.

 Cette photo et les prochaines viennent de La Révolution française de Robert Enrico1989 
L'enfant est imaginaire, mais l'entraînant appel du tambour réel.

  • Les milliers de femmes et plusieurs centaines d'hommes habillés en femmes arrivent à Versailles vers 16h. La Garde nationale conduite par Lafayette et une foule d'hommes arrivent quelques heures plus tard.

Internet, source non nommée
 
  • Le roi reçoit une délégation de femmes. Il accepte d'envoyer de la graine à Paris et de signer la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Pour vivre à Paris, il dit qu'il y réfléchira.

  • Les Parisiens passent la nuit dans la cour immense :

Lafayette, qui est responsable pour la sécurité du roi, croit que tout va bien, se couche et ne se réveille qu'après que la foule ait pris le palais d'assaut : on le nommera « le général Morphée ».

# # #

Le 6 octobre à l'aube, la foule perce la grille et cherche la reine pour la tuer :






  • Des femmes de chambre ferment la porte à clé et l'aident à enfiler une robe :

Cette photo et celles qui suivent : Marie-Antoinette par Jean Delannoy avec Michèle Morgan, 1956

Elles prennent un passage secret qui conduit aux appartements du roi, mais il est parti les chercher. Elles courent à sa recherche. Une porte est fermée à clé : les domestiques n'entendent leurs frappes affolées qu'après cinq minutes terribles.


  • Deux gardes qui tentent de protéger la reine sont tués :

     
« Massacre d'un Garde du Corps à la porte de l'appartement de la Reine, par des brigands », estampe de Jean-François Janinent / zoom


  • La reine et les femmes de chambre rejoignent enfin le roi, les enfants, leur gouvernante et Lafayette dans le salon qui surplombe la cour d'entrée :

     Le Général Lafayette conseil le roi et la reine le 6 octobre 1789  par Jean-Frédéric Shall, avant 1825 / zoom


  • Le roi refuse de laisser ses troupes tirer sur la foule et tente de lui parler..



  • Mais elle exige la reine qui vient sur le balcon avec les enfants. On crie « sans enfants ! »

 « Marie-Antoinette »


  • Après le réveil terrifiant 
    et la course éperdue à travers le palais, Marie-Antoinette affronte calmement la multitude qui avait voulu la tuer :


# # #

Le roi est obligé de s'installer à Paris. Il demande seulement que sa famille l'accompagne. « La voiture royale, escortée, Lafayette à la portière, avançait comme un cercueil. » 
-- Michelet. Le récit qui suit vient du mémoire de Madame Campon, dont la sœur était présente.  

 

  • La foule les entoure, en brandissant les têtes des gardes assassinés sur des pikes. La cour dans une centaine de carrosses :

   Zoom
    
La Fuite de Louis XVI  par Viktor Lazarevski, 2013 / Youtube 

« Au milieu de cette troupe de cannibales s'élevaient les deux têtes des gardes du corps massacrés. Les monstres, qui en faisaient un trophée, eurent l'atroce idée de vouloir forcer un perruquier à recoiffer les deux têtes et à mettre de la poudre sur les cheveux ensanglantés »...

  • À Paris on danse dans la rue pour fêter les arrivées des sacs de grain et de la famille royale :

          Louis XVI entre à Paris, le 6 octobre 1789 par Jacques François Joseph Sweback, 1789 / zoom



# # #

Si vous visitez le château de Versailles vous traverserez la cour 
et passerez sous le balcon.



Pensez à la foule, aux gardes massacrés
et au courage de Marie-Antoinette.

# # #

Le musée Carnavalet (le musée historique)
efface autant que possible la violence de la Révolution, 
et évite ce drame. 

*       *

Suite,