« PERSONNE N'AVAIT RECONNU LE COUPLE ROYAL, MAIS TOUT LE MONDE AVAIT RECONNU LE LIVRÉES JAUNES DU PRINCE DE CONDÉ... »
Douze pages plus loin :
« LE DÉTESTÉ CHEF EMIGRÉ D'UNE ARMÉE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE, ET SEIGNEUR DE TRÈS NOMBREUSES TERRES DE LA RÉGION. »
-- Le roi s'enfuit de Timothy Tackett, 2004, p. 101. et 89.
Ces faits sont mentionnés en passant, sans commentaire. Dans un récit élargi de la Révolution écrit plus tard, l'historien n'en dira rien.
-- Anatomie de la Terreur, 2015, p. 130.
L'Évasion de Louis XVI |
- Pourquoi la famille royale ne prit-elle pas des routes séparées en véhicules ordinaires, ce qui aurait presque certainement réussi ?
- D'innombrables nobles avait traversé la frontière depuis la chute de la Bastille deux ans plus tôt. Le frère du roi, voyageant avec un passeport anglais et un seul serviteur, quitta Paris par une autre route le même jour que le roi et passa à l'étranger sans incident, comme le fit sa femme et Axel von Fersen (« l'Ami » de Marie-Antoinette et avec elle l'organisateur de la fuite). Un an plus tard, l'écrivain royaliste René de Chateaubriand et son frère eurent des problèmes non pas par leurs passeports ou déguisements comme marchands de vin, mais à cause d'un valet somnambule. À la fin de 1791 environ 10,000 nobles avaient quitté le pays, passant par Paris sans cacher leur destination.
--Valet, Chateaubriand, Mémoires, ed. 1973; émigrés, 283-284 Tackett, Terreur, pp. 128-129.
- La famille royale aurait du être encore plus tranquille, puisqu'elle ne quittait pas la France. En prenant des routes différentes, habillés comme roturiers et utilisant des voitures banales, le seule danger sérieux était de se glisser hors Paris.
Mais onze personnes — Louis, Marie-Antoinette, le Dauphin, la princesse, leur gouvernante, la sœur de Louis, deux femmes de chambre dans un deuxième carrosse et trois gardes — ont voyagé ensemble.
Pourquoi ajouter au spectacle en faisant peindre le carrosse principale, colossal, en couleurs voyantes, vert et noir ou rouge et jaune (les estampes de la page précédente montrent les deux versions).
- Pourquoi des hommes qui aurait eu une valeur inestimable en cas de problème, étaient-ils écartés ? Le comte d'Agoult, qui connaissait la route, était prêt à prendre place dans le carrosse principal et le comte von Fersen, combattant aguerri, souhaitait l'accompagner à cheval. Passionnément amoureux de Marie-Antoinette, il aurait donné sa vie pour la famille royale.
![]() |
Une de ses créations / zoom |
- Pourquoi inclure le coiffeur de Marie-Antoinette, Monsieur Léonard (qui prit une autre route sans problème) ?
Dans une ville provinciale la reine devait amener son coiffeur. Mais il aurait pu arriver le lendemain...
- En ce qui concerne les gardes, pourquoi en avoir trois quand un seul pouvait galoper vers les relais pour préparer des chevaux frais ? Pourquoi choisir par hasard des subordonnés entraînes à suivre des ordres mais pas à prendre des initiatives, qui ne connaissaient pas la route et qui n'avaient jamais combattu, plutôt que des vétérans aguerris ? Pourquoi n'étaient-ils pas armés ?
[...] mais accoutumés par leur grade à une parfaite obéissance, et n'ayant jamais commandé en chef, une pareille entreprise était au dessus de leurs forces. Ils n'oseraient rien prendre sur eux, demandèrent des ordres au Roi, qu'ils auraient exécutés, même au péril de leurs vie, mais ils manquèrent de l'audace nécessaire dans la circonstance où l'on se trouvait.
-- Madame de Tourzel, pp. 257-258.
- Pourquoi l'escorte ? Puisque Louis a écrit au commandant de l'annuler s'il paraissait déstabiliser la population, elle n'était pas nécessaire à sa protection.
- Pourquoi décaler les centaines de cavaliers après Chalons pour qu'ils rejoignent la cohorte progressivement ?
* Elle n'aurait pas donné la raison réelle, même si elle la connaissait.
- Les uniformes voyants de ces cavaliers ne les feraient-ils pas sembler encore plus terrifiants ?
« Le roi avait choisi pour amener sur nos champs les hussars et les pandours, la cavalerie voleuse, mangeuse, outrageuse, gâcher la vie de la France sous les pieds des chevaux, assurer la famine pour l'année à venir», a écrit Michelet.
Les historiens disent qu'ils n'y comprennent rien. Deux debuts de récits : « Le voyage à Varennes fut un miracle d'imprudence », « Une incompréhensible Odyssée ».*
* Michelet, et le titre d'un chapitre dans Varennes, la mort de la royauté par Mona Ozouf, 2005.
# # #
Mon grain de sel:
La fuite joignait l'échappée du roi au retour de l'Ancien Régime. Ce message était dirigé vers les émigrés concentrés à la frontière et à la population qui, Louis croyait, restait attaché aux habitudes voulues par Dieu.
*Sa bulle s'explique par son éducation, son entourage et son ignorance de la France. Sa seule excursion du monde de la cour était un voyage en Bretagne, où la cordialité de l'accueil a renforcé sa foi dans la popularité du régime.
En ce qui concerne les émigrés, Louis arriverait en tenue de roturier et pire encore, comme serviteur. Ils se demanderaient si une restauration par un roi qui défiait ainsi l'hiérarchie sociale leur rendrait leur domination : Louis devait souligner la tradition.
On comprend alors :
- Le voyage en famille et le carrosse spectaculaire.
- L'inclusion de la gouvernante, dont la charge interdisait d'être séparée des enfants sans son consentement. Elle dit dans ses mémoires qu'elle aurait cédé sa place si on le lui avait demandé, mais ce changement aurait paru une transgression.
- L'exclusion de Ferson. Seul un Français de haut rang devait accompagner le roi dans une mission d'une telle importance, et il était suédois.
- Monsieur Léonard était célèbre pour la creation de coiffures, comme celle montrée ci-dessus. Sa présence indiquerait que l'Ancien Régime reviendrait dans son intégralité.
L'escorte :
- Les cavaliers français et allemands rejoindraient la marche groupe par groupe, créant un cortège comme ceux qui avaient toujours accompagné les déplacements royaux. Marie-Antoinette se souvenait de sa réception à Chalons quand, â quatorze ans, elle arrivait de l'Autriche dans un carrosse conduit par huit chevaux blancs : la ville avait construit un arc de triomphe* en son honneur et la population des alentours était venue l'applaudir.
*Seule la façade avait été complétée. L'arc non fini reste le symbole de la ville.
- En leurs uniformes splendides ils précéderaient, entoureraient et suivraient le carrosse, le cœur d'une procession conçue pour éblouir.
- Traversant la région perchés sur le toit du carrosse ou l'accompagnant à cheval, ils annonçaient à une population supposée fidèle le retour de la société millénaire. Ensuite, tous trois sur le toit, ils salueraient la foule en liesse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire