vendredi 28 septembre 2018

UN CIMETIÈRE QUI DÉROUTE


UNE ÉGLISE ET UN CIMETIÈRE APPARAISSENT IMMÉDIATEMENT 
AU DELÀ DE L'ENCEINTE DU Xe SIÈCLE
(VERS 1150)

Le cimetière des Innocents vers 1550 de Hoffbauer, mentionné à la page précédente

     L'Église et le cimetière des Innocents de Jacob Grimer, XVIe siècle / zoom

« SNF... » se réfère à la puanteur venant des fosses ouvertes.

Adapté d'une bd / zoom
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C'était néanmoins un lieu de négoce, de fêtes, de flirt, de querelles...

 Les Écosseuses de pois à la Halle d'Étienne Jeaurat, XVIIIe siècle / zoom
 
Réjouissance donnée par la Ville de Paris aux Halles pour la naissance du Dauphin,1782, de Philibert-Louis Deboucourt / zoom

 « Les morts étaient abrités par les vivants :
sur chaque tombe une marchande de rubans,
 de dentelles, de colifichets [...] étalait gaiement sa marchandise...

-- Les Rues de Paris, ed. Kugelman, 1844, zoom 

[...]en souriant au chaland. Jamais on ne s'était si bien familiarisé avec la mort ; ces comptoirs d'un nouveau genre étaient sans cesse assiégés par les beaux oisifs du temps. On faisait l'amour aux Charniers comme dans un bazar ; on s'y donnait rendez-vous comme aux Tuileries [...] » 

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Les foules permettaient d'initier les voleurs souhaitant rejoindre la Cour des Miracles :

La Chasse aux « gueux » /  zoom

Adapté d'un plan de 1760 / zoom

Pour devenir membre le candidat 
retrouvait les voleurs au cimetière...

où il saisissait une bourse et fuyait. Les autres criaient « au voleur ! » et se joignaient à la poursuite, aidant le public à l'attraper et à le tabasser, volant en même temps. Si aidé par ses futurs camarades il s'échappait, tous se retrouvaient à la cour pour fêter son entrée. 

S'il n'échappait pas il était pendu.
     -- La Cour des Miracles, 2002, non signé 
                                     
Un roman historique commence par la puanteur

« À l'époque dont nous parlons [1738 ] 
il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable 
pour les modernes que nous sommes.

 Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l'urine, les cages d'escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton ; les pièces d'habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle acre des pots de chambre. Les cheminées crachaient une puanteur de souffre, les tanneries la puanteur de leurs bains corrosifs, et les abattoirs la puanteur du sang caillé. Les gens puaient la sueur et les vêtements non lavés ; leurs bouches puaient les dents gâtées, leurs estomacs puaient le jus d'oignons et leurs corps, dès qu'ils n'étaient plus tout jeunes, puaient le vieux fromage et le lait aigre et les tumeurs éruptives. Les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient, cela puait sous les ponts et dans les palais [... ]

Et c'est naturellement à Paris que la puanteur était la plus grande, car Paris était la plus grande ville de France. Et au sein de la capitale il était un endroit où la puanteur régnait de façon particulièrement infernale  [... ] c'était le cimetière des Innocents. Pendant huit cent ans [... ] on avait jour après jour charroyé les cadavres par douzaines et on les avait déversés dans de longues fosses, pendant huit cent ans on avait empli par couches successives des charniers et ossuaires. »  
-- Le Parfum : l'Histoire d'un meurtrier de Patrick Süskind, 1985

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Mais toute la ville puait — 
on sentait Paris à trois jours de distance. 
Le nouveaux venus pouvaient s'en trouver mal,
mais les habitants y étaient habitués.
 
La mort aussi était partout.
Mais ce qui comptait était la vie éternel,
et mourir n'était terrible qu'hors les rites de l'Église.

Et ce cimetière était le seul grand espace central
ouvert au public.

*    *    *

Suite,




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