dimanche 16 septembre 2018

AU DELÀ DE LA PORTE, LE GIBET ROYAL


UN CHEMIN LUGUBRE CONDUIT AU GIBET DE MONTFAUCON 
(COMMENCÉ EN 1303, DÉMOLI EN 1760)
--  La principale étude utilisée ici : 
 Condamner à mort au Moyen Âge, 2018, de Claude Gauvard

 Disparu du web

Le trajet prenait quatre ou cinq heures à partir de la prison de Châtelet :

     Paris en 1530 / zoom


    Adapté d'un plan de 1609 / zoom
 Il n'en reste aucune trace (le site est au 18 rue Boy-Zelensky, 10e, m° Colonel Fabien).

Les gibets étaient construits à des carrefours hors les villes,
sur des hauteurs pour être vus de loin : le mot vient de « jebel », « montagne » en arabe, un terme ramené par des Croisés :

               Le Gibet de Montfaucon imaginé de François Alexandre Pernot, vers 1850 / zoom

Montfaucon, le gibet du roi, avait seize piliers joints par des poutres, par lesquels pouvaient être exposés une trentaine de cadavres. Les villes et les nobles avaient des gibets, avec de deux à huit piliers en fonction de leur rang. La progression du pouvoir royal rendait leur utilisation de plus en plus rare, sauf comme des expressions de prestige.

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Juste avant ou après la porte Saint-Denis — en fonction de la sécurité — était le couvent des Filles-Dieuoù les convois arrêtaient :

Dessin d'un livre du XIXe siècle sur Paris / zoom

Devant un grand crucifix l'aumônier versait de l'eau bénite sur la tête du condamné, lui préparant à la mort comme le baptême prépare à la vie. Ensuite une religieuse lui donnait un verre de vin et trois morceaux de pain : s'il avalait avec appétit, son âme était prête pour l'autre monde. 

Un second arrêt était à la « Croix de Craon », où le condamné faisait sa dernière confession :

Saturn avec ses enfants (détail), anonyme, fin du XVe siècle / zoom

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« La balade des pendus »un des plus célèbres poèmes français,
à été écrit par le voleur et meurtrier Francois Villon en attendant d'être pendu à Montfaucon :


Frères humains * qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci,
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six [... ]
De notre mal personne ne s’en rie
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
-- Pour le texte complet, cliquez sur le lien ci-dessus 
   
* Ces mots commencent la mémoire imaginée d'un officier SS de la Deuxième Guerre Mondiale, qui dit, « Je suis coupable, vous ne l'êtes pas, c'est bien. Mais vous devriez peut-être vous dire que ce que j'ai fait, vous l'auriez fait aussi. Avec peut-être moins de zèle, mais peut-être aussi moins de désespoir, en tout cas d'une façon ou d'une autre. » Il demande qu'on ne juge pas, comme le fait Villon, mais les mémoires s'arrêtent brusquement et on suppose que ses souvenirs l'ont rendu fou.  
-- Les Bienveillantes de Jonathan Little, 2007

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Le lieu exprimait le pouvoir :

  • Les images de Montfaucon des manuscrits illuminés incluent le roi.

Le Supplice des Aumoriciens devant Philippe II de France de Jean Fouquet, mi-XVe siècle, zoom

Le Martyr de Sainte Catherine de Jean Fouquet / zoom
Derrière le roi est le Temple, forteresse des Templiers, ou Louis XVI et la famille royale seront emprisonnés trois siècles plus tard...cliquez et déroulez la page.

  • Exhiber les restes d'adversaires montrait l'étendue de leur défaite, comme l'a fait Charles IX en y exposant le corps mutilé de du chef protestant Gaspard de Coligny après le massacre de la Saint-Barthelémy

Le Massacre de la Saint-Bartholomé de François Dubois, 1572 / zoom

Gaspard de Coligny va être jeté par la fenêtre. Le tableau montre Monfaucon en arrière-plan.

 
« Le 28 août 1572 Catherine de Médicis, Charles IX et la cour firent visite au cadavre de l'amiral Coligny pendu par les pieds au gibet (car le cadavre n'avait plus de tête). 

Quand on engagea le roi à ne pas s'attarder dans ces lieux puants, il a répondu: "Allons donc, messieurs, est-ce que le cadavre d'un ennemi ne sent pas toujours bon ? Toutefois il n'est si agréable compagnie qu'on ne quitte. Salut, noble Gaspard" et le roi et les gentilshommes ont mis chapeau bas et s'en retournèrent satisfaits. »
-- Internet, sans source


    Illustration de « La Balade des pendus » / zoom

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