LA CROYANCE AU DIABLE ET À LA MAGIE NOIRE CONDUISAIENT LES COURTISANS A COURIR...
-- L'Affaire des poisons : alchimistes et sorciers sous Louis XIV, de J-C. Petitfils, 1977
« chez quelque prêtre dévoyé afin d'y faire dire une messe au Diable avec égorgement d'enfant. Le commerce du poison suivait habituellement ces sortilèges : ce que le Diable n'avait pu faire, l'arsenic le ferait plus sûrement. »
-- L'Allée du roi, roman historique de Françoise Chandeneggor, 1981
Des bébés ou des jeunes enfants étaient baptisés avant d'être égorgés. Ensuite leur sang était versé dans une calice et de là sur le ventre nu de la cliente.
En disant « la cliente » ou « la sponsor », les textes suggèrent un crime féminin.
Le prêtre qui pratiquait ces messes avec La Voisin (continuez) assassinait ses propres enfants.
La plus célèbre criminelle française reste « La Voisin », qui se targuait d'avoir commis 2500 meurtres, par des avortements,* des empoisonnements et des messes noires. Elle habitait rue Beauregard, qui côtoyait le rempart avant sa destruction (revenez au plan).
*Criminalisés jusqu'en 1975.
La Voisin habitait au n° 24.
Un informateur employé par la police nouvelle était invité à un dîner dans le quartier, où une femme ivre s'est vantée d'une clientèle « de duchesses, de marquises, de seigneurs et de princes ». Une enquête trouve des poisons et deux cent personnes ont été arrêtées, y compris La Voisin sur les marches de l'église de sa paroisse après la messe.
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle
L'église médiévale a brûlé (en 1821). Celle-ci la remplace.
La magie noire est un sacrilège qui dépend de la croyance.
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Une mort énigmatique
-- Correspondence de Madame de Sévigny, le 23 février 1680
- La Voisin boit et chante avec ses gardiens entre les séances de torture et passe la nuit avant son supplice, « toute brisée qu'elle était, à faire la débauche avec scandale ».
- Devant l'échafaud elle rejette l'habituel discours de pénitence et de louange du roi, bien que cela aurait pu aider sa fille emprisonnée. Elle hurle et donne en jurant des coups de pied à la paille jusqu'à la fin.
Elle refuse même de se confesser à un prêtre, choisissant donc, étant croyante, de perdre son âme.
L'histoire d'une autre femme :
« Une de ces misérables, qui fut pendue l'autre jour...
avait demandé la vie à M. de Louvois [le ministre chargé des exécutions] et qu'en ce cas elle dirait des choses étranges ; elle fut refusée. "Eh bien ! dit-elle, soyez persuadé qu'aucune douleur me fera dire une seule parole." On lui donna la question ordinaire, extraordinaire, et si extraordinaire, quelle pensa y mourir, comme une autre qui expira, le médecin lui tenant le pouls, soit dit en passant. Cette femme souffrit donc tout l'excès du martyr sans parler. On la mène à la Grève [l'Hotel de Ville, lieu d'exécution] ; avant d'être jetée, elle dit quelle voulait parler ; elle se présente héroïquement : Messieurs, dit-elle, assurez M. de Louvois que je suis sa servante, et que je lui ai tenu ma parole ; allons, qu'on achève." Elle fut expédiée à l'instant. Que dites-vous de cette sorte de courage ? Je sais encore mille petits contes agréables comme celui-là ; mais le moyen de tout dire ?
« On croit qu'il y aura de grandes suites qui nous surprendront », le récit continue, et la mort de La Voisin cache un crime jamais élucidé, qui a conduit le roi de stopper d'enquête : des prévenus chargèrent la favorite, Madame de Montespan, de sponsoriser des messes noires et d'avoir tenté d'empoisonner Louis et sa nouvelle maîtresse.
Portrait d'une dame, supposée Madame de Montespan d'un disciple de Pierre Mignard, XVIIe siècle / zoom
Superbe, caustique et explosive, d'une lignée plus prestigieuse que celle du roi (dont les aïeuls maternels étaient les Médicis, banquiers parvenus), son éclat ajouta à celui de la cour.
« ...mais sérieusement, c'est une chose surprenante que sa beauté [...] Elle était toute habillée de point de France ; coiffée de mille boucles ; les deux des tempes lui tombaient for bas sur les deux joues ; des rubans noirs sur la tête, des perles [...] embellies de boucles et de pendeloques de diamant de dernière beauté [...], en un mot, une triomphante beauté à faire admirer à tous les ambassadeurs. »
-- Correspondence de Madame de Sévigny, le 29 juillet 1676
Mais elle avait visité La Voisin pour des aphrodisiaques.
- Pour éviter que le crime n'éclabousse pas le trône, Louis a arrêté l'enquête et brûlé les témoignages.
- Il ne savait pas que le chef de police avait fait des notes détaillées, qui semblent inculper la femme de chambre de la marquise. Elle avait eu une aventure avec le roi et était furieuse qu'il ne reconnaisse pas leur enfant. On la comprend : il a reconnu 22 autres bâtards.
- La Voisin emporta ce secret avec elle, ce qui rend sa mort plus étrange encore.
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Destins
- Le roi n'a fait rien contre la marquise, mère de quatre de quatre de ses enfants légitimés, mais elle perd toute influence et retourne à Versailles « comme ces âmes malheureuses qui reviennent dans les lieux qu'ils ont habités pour expier leurs fautes ».
-- Les Souvenirs de Madame de Caylus, 1770, Mercure de France, ed. 1986, p. 99.
Après une dizaine d'années elle se retira au couvent. En étalant des bijoux cadeaux du roi et ne se souvenant pas des circonstances, elle a dit que sa vie n'avait eu aucun sens.
- La femme de chambre a pris sa retraite avec une pension. Sa fille, qui se savait de sang royale et ressemblait à son père, se contenta d'un mariage médiocre.
- La progression de l'enquête terrifia les courtisans. Quand Olympe Mancini eut un avertissement du roi en souvenir de leur longue amitié, elle posa ses cartes de jeu, monta dans son carrosse et se sauva à l'étranger pour ne jamais revenir.
D'autres ont été bannis, une punition douce pour le meurtre, surtout quand le roi pouvait pardonner.
- Quelques prisonniers de milieux populaires ont été libérés, mais soixante-huit passèrent le reste de leurs vies enchaînés aux murs de donjons. Le dernier est mort en 1725.
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Ces drames...
- Conduisent à la première loi régulant la vente de produits toxiques (en 1682), qui fonctionne toujours. Elle aide a expliquer la fin des empoisonnements de masse.
D'autres raisons pour cette disparition : la mise à l'écart des nombreux criminels, leur terrifiante punition et surtout, des connaissances médicales qui facilitent l'identification de poison pendant les autopsies.
- Révèlent le revers cauchemardesque du plus célèbre règne français, sensé avoir été un temps de gloire, d'équilibre et de raison.
Jean Prevost Higa, Canalblog
- La Voisin, la sorcière de Blanche Neige ? « L'Affaire des poisons » était si connue en Europe qu'on croyait tout Français empoisonneur : les narrateurs ont du penser à La Voisin en étoffant leur conte. -- Tout Français empoisonneur : Petitfils
7 rue Notre-Dame de Bonne-Nouvelle
Du moins on l'espère telle.
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Suite,
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