mardi 29 janvier 2019

II.2.4.a. DES FANTÔMES DU MOYEN ÂGE

 MENU : 2.2.4.a. Des fantômes du Moyen Âge


UN CIMETIÈRE, LE MARCHÉ ALIMENTAIRE DE GROS ET DES ENCEINTES CONSTRUITES DE PLUS EN PLUS LOIN DU CENTRE DÉTERMINENT UNE GRANDE PARTIE DE LA RIVE GAUCHE 

Suivre la rue Saint-Denis montre comment.

Paris en 1530 / zoom

En bref


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lundi 28 janvier 2019

TRACES D'UNE PRISON ET D'UNE CAMPAGNE

 


UNE FORTERESSE DU IXe SIÈCLE QUI PROTÉGEAIT DES VIKINGS EMPÊCHAIT LA RUE SAINT-DENIS DE COMMENCER AU FLEUVE 

Quand l'enceinte construite vers 1200 rendit la forteresse obsolète, elle devint la prison, le Tribunal, le chef-lieu de la police et la morgue.

 Le Grand Châtelet vu de la rue Saint-Denis par T.G.H. Hoffbauer / zoomdessin basé sur des archives

Adapté d'un plan Google

Ce plan de 1750 montre pourquoi la rue Saint-Denis commence à une certaine distance du fleuve.  

Zoom

Vers 1850 Paris s'est transformé à plus tard — et la place actuelle a supplanté le Grand Châtelet.
 
La Fontaine des victoires, construite en 1808 pour célébrer les victoires de Napoléon, a été transférer à la place nouvelle.  

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 Rue Saint-Denis commence à la voie de commerce est-ouest :

 Paris au XIe siècle / zoom (déroulez la page)

              Les flèches jaunes montrent les emplacements, les rouges notre route.


Le panneau vert de la photo ci-dessus informe sur les transports et les services mais ne dit rien du passé, même pas qu'on se trouve sur une voie de commerce et de pèlerinage.


Nous nous dirigeons vers le clocher que vous apercevez au loin : 

 
Adapté d'un plan Google

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Le chemin médiévale à la sortie de la ville naissante était sans traits marquants. La rue actuelle n'en a pas non plus : des échoppes pour touristes et des fast-foods s'alignent.


 
Puis vient une énigme : des minuscule rues séparées de quelques pas suggèrent que quelque chose d'important arrive.  

 La rue de la Ferronerie, vue sur le plan du XVIIIE siècle ci-dessus. Elle suit la première enceinte (disparue) ce qui indique le bord de la ville du haut Moyen Âge. 

La rue des Innocents coupe le bord de l'espace auquel nous arrivons, pour donner un peu plus d'espace à la population grandissante.  

Cet espace est le Cimetière des Innocents...


Un centre de mort,
 de commerce et de convivialité.

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UN CIMETIÈRE QUI DÉROUTE


UNE ÉGLISE ET UN CIMETIÈRE APPARAISSENT AU DELÀ DE
L'ENCEINTE DU Xe SIÈCLE
(VERS 1150)

Le Cimetière des Innocents vers 1550 de Hoffbauer, mentionné à la page précédente

L'Église et le Cimetière des Innocents de Jacob Grimer, XVIe siècle / zoom ; adapté d'une bd / zoom

« SNF... » se réfère à la puanteur des fosses ouvertes.

Adapté d'une bd / zoom
Mais c'était un lieu de négoce, de fêtes, de flirt, de querelles...

 Les Écosseuses de pois à la Halle par Étienne Jeaurat, XVIIIe siècle / zoom

Réjouissance donnée par la Ville de Paris aux Halles pour la naissance du Dauphin,1782, de Ph-Louis Deboucourt / zoom


 « Les morts étaient abrités par les vivants :
sur chaque tombe une marchande de rubans,
 de dentelles, de colifichets [...] étalait gaiement sa marchandise...

-- Les Rues de Paris, ed. Kugelman, 1844, zoom 

[...]en souriant au chaland. Jamais on ne s'était si bien familiarisé avec la mort ; ces comptoirs d'un nouveau genre étaient sans cesse assiégés par les beaux oisifs du temps. On faisait l'amour aux Charniers comme dans un bazar ; on s'y donnait rendez-vous comme aux Tuileries [...] » 

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Les foules permettaient d'initier les voleurs souhaitant rejoindre la Cour des Miracles :

La chasse aux « gueux » /  zoom

Adapté d'un plan de 1760 / zoom

Pour devenir membre le candidat 
retrouvait les voleurs au cimetière...

où il saisissait une bourse et fuyait. Les autres criaient « au voleur ! » et se joignaient à la poursuite, aidant le public à l'attraper et à le tabasser, volant en même temps. Si aidé par ses futurs camarades il s'échappait, tous se retrouvaient à la cour pour fêter son entrée. 

S'il n'échappait pas il était pendu.
     -- La Cour des Miracles, 2002, non signé 
                                     
Un roman historique commence par la puanteur

« À l'époque dont nous parlons [1738 ] 
il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable 
pour les modernes que nous sommes.

 Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l'urine, les cages d'escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton ; les pièces d'habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle acre des pots de chambre. Les cheminées crachaient une puanteur de souffre, les tanneries la puanteur de leurs bains corrosifs, et les abattoirs la puanteur du sang caillé. Les gens puaient la sueur et les vêtements non lavés ; leurs bouches puaient les dents gâtées, leurs estomacs puaient le jus d'oignons et leurs corps, dès qu'ils n'étaient plus tout jeunes, puaient le vieux fromage et le lait aigre et les tumeurs éruptives. Les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient, cela puait sous les ponts et dans les palais [... ]

Et c'est naturellement à Paris que la puanteur était la plus grande, car Paris était la plus grande ville de France. Et au sein de la capitale il était un endroit où la puanteur régnait de façon particulièrement infernale  [... ] c'était le cimetière des Innocents. Pendant huit cent ans [... ] on avait jour après jour charroyé les cadavres par douzaines et on les avait déversés dans de longues fosses, pendant huit cent ans on avait empli par couches successives des charniers et ossuaires. »  
-- Le Parfum : l'Histoire d'un meurtrier de Patrick Süskind, 1985

# # #

Mais toute la ville puait — 
on sentait Paris à trois jours de distance. 
Le nouveaux venus pouvaient s'en trouver mal,
mais les habitants y étaient habitués.
 
La mort aussi était partout.
Mais ce qui comptait était la vie éternel,
et mourir n'était terrible qu'hors les rites de l'Église.

Et ce cimetière était le seul grand espace central
ouvert au public.

*    *    *

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