YES !
En tant qu'historienne américaine qui habite Paris depuis des décennies, j'aimerais vous montrer cette ville fascinante à ma façon. Deux aspects m'intéressent particulièrement : la créativité des périphéries et celle des immigrés, et un passé ignoré.
LES PÉRIPHÉRIES,
OÙ LA CRÉATIVITÉ ACTUELLE FLEURIT
Paris abrite un nombre immense d'artistes de tout genre, dont la plupart sont d'origine étrangère et habitent non pas dans les lieux qui leur sont associés — Saint-Germain, Montmartre, Montparnasse — mais aux alentours, avec leurs loyers (presque) abordables. Le peintre dont les dessins parsèment ces pages, Harald Wolff, en est un exemple : il est allemand et habite Montreuil, une banlieue populaire à l'est.
C'est dans les lieux distants que d'importantes initiatives culturelles sont lancées (pour des exemples cliquez ici et ici) et des essais expérimentés (pour un spectacle qui a fait des rues la scène, ici).
C'est là aussi que l'inventivité des immigrées s'épanouit. Prenez La Goutte d'Or, un quartier à la frontière nord où vivent de nombreux Africains où viennent d'ailleurs pour se souvenir du pays : - Ils ont crée un art sociable de communication, le « look » :
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Les photos sans crédit sont les miennes.
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Vu à la rue Doudeauville, l'artère principale
- Des affiches de coiffeurs proposent d'innombrables styles, dont des footballers de la Coupe du Monde de 2014 se sont inspirés pour être identifiés à la télévision et que des jeunes ont mondialement adoptés.
Affiche de coiffeur dans une petite rue de La Goutte d'Or
- « L'art doit exprimer une philosophie : autrement il n'est que décoration, » m'a dit un critique d'art. En évoquant la spécificité de l'individu au sein d'une communauté homogène, ces affiches suggèrent une vision de l'humanité à laquelle les Occidentaux pourraient réfléchir.
UN PASSÉ IGNORÉ QUAND IL SEMBLE BIZARRE OU CONTREDIT LE RÉCIT HABITUEL
Une bizarrerie : comment Louis XVI a tenté de fuir le Paris révolutionnaire (en 1791)
En souhaitant rejoindre l'armée royaliste à la frontière, il a été reconnu, arrêté et forcé de revenir à Paris. Le retour prit non pas un jour, mais trois : des foules venues insulter le roi qui avait abandonné son peuple étaient si nombreuses que le carrosse n'avançait que pas à pas. Le débâcle mit fin à l'aura de la monarchie séculaire et on le considère aussi important que la prise de la Bastille.
La façon dont l'échappée s'est faite semble incompréhensible aux gens modernes. Plutôt que de se séparer et d'utiliser des voitures banales, comme tant de nobles avaient fait, le roi et sa famille ont voyagé ensemble avec la gouvernante des enfants et des femmes de chambre en deux carrosses, dont un immense. Les livrées jaunes vif des gardes qui l'accompagnaient rappelaient celles de l'ancien seigneur des ces terres, devenu commandant de l'armée d'émigrés dont la population frontalière redoutait l'invasion. Une escorte de trois cents dragons français et de mercenaires germanophones, tous en uniformes rutilants, était échelonnée au long de la dernière partie de la route, où des poursuivants sur des chevaux fatigués ne pouvaient les atteindre.
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Harald Wolff
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Le dessin suit les sources.
Les narrateurs trouvent cette traversée de pays dangereux en carrosse géant « incompréhensible » sans en dire plus, et ne mentionnent les autres étrangetés qu'en passant ou pas du tout. On les découvre en se penchant minutieusement sur les détails de certains textes ou sur les mémoires de la gouvernante. En négligeant ce qu'ils ne comprennent pas, les historiens passent à côté du sens du drame et de la profondeur de ses répercussions.
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L'évasion de Louis XVI par Viktor Lazarevski, 2013
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Le film omet les livrées parce qu'il suit les historiens.
Pour cette histoire cliquez ici, pour ses énigmes et leur explication ici.
Pour l'importance d'anomalies en générale, ici.
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Des contradictions aux récits habituels: prenez les insurrections du XIXe siècle. Bien que leurs effets se soient répandus en Europe et ont contribué à former notre monde, elles sont minimisées ou omises.
- On croit souvent que ces figures iconiques prennent la Bastille (en 1789), bien que la Révolution de 1830 inspira le tableau. Ce bouleversement termina ce que la Révolution française avait commencé — permettre au capitalisme de prendre son envol en écrasant les nobles. On n'en parle pas, du capitalisme non plus.
La Liberté guide le peuple de Eugène Delacroix, 1830-1831 (coupé pour souligner les personnages) / zoom
*« Zoom » permet de cliquer pour l'image complète ou élargie et pour des précisions.
- La première révolte ouvrière majeure (5000 morts), les « Journées de Juin » 1848, est oubliée, comme l'est la terreur que les rebelles « barbares » inspira aux privilégiés. Un effet : l'arrivée du régime européen le plus autocratique de l'époque (le Second Empire, 1851-1870).
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Combat à la porte Saint-Denis, lithographie anonyme, 1848 / zoom
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- Un autre : la façon dont la ville encore médiévale a été transformée (en 1853-1869). Observer attentivement cette métamorphose montre sa priorité militaire, On ne le fait pas.
La flèche conduit au turbulent quartier Latin sur l'autre bord de la Seine.
Prenez
l'immense parvis de Notre-Dame, qui rend l'église plus petite et moins imposante qu'aux époques où les maisons se blottissaient autour d'elle.
Combat à la rue Soufflot par Horace Vernet, 1848 /
zoom
Ce vide était conçu pour assembler des troupes en cas d'une autre insurrection au quartier Latin (la peinture ci-dessus montre les étudiants soutenant le ouvriers en 1848). Le monument en arrière-plan (le Panthéon) pouvait être bombardé du parvis une fois les bâtiments le longeant démolis. Qu-il soit crée pour assembler les troupes se disait autrefois, mais ne l'est plus.
Faire le lien entre ces transformations et l'insurrection est impossible, puisque qu'elle est oubliée.
- La Commune de Paris a esquissé une société démocratique, égalitaire et fraternelle (en 1871), dont la répression annonce les calamités du XXe siècle. Sa mémoire inspire toujours à gauche...
Proclamation de La Commune, le 26 mars, 1871, gravure anonyme / zoom
Commemoration du 160e anniversaire (en 2021)
Mais autrement on l'ignore.
On croirait que le Musée Carnavalet (le musée historique) présenterait ces bouleversements de façon objective. Mais après avoir présenté une Révolution française presque paisible en reléguant les sans-culottes au fond d'une salle, il montre les combattants de 1830 comme jeunes élégants, l'insurrection de 1848 par des blocs évoquant des barricades avec lesquels des enfants peuvent jouer, et La Commune par des œuvres généralement sans pertinence dans un couloir de quatre mètres entre deux salles consacrées aux élites.
Les manuels scolaires, les panneaux historiques et la plupart des historiens ont un parti pris similaire.
En bref, le Paris que vous trouverez ici n'a pas grand chose à voir avec la vue habituelle. Il y a un espace pour des commentaires à la fin de chaque page : j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Les remarques politiques sont bienvenues.
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Ce « blook », un livre (book en anglais), utilise le web comme le ferait un blog pour présenter ses idées rapidement par des photos, des peintures et des dessins. L'indexe, sous le menu à droite, permet d'atteindre immédiatement les points principaux. Épilogue indique sa pertinence plus large. Sa deuxième partie, Histoire un autre regard, montre comment une approche économique peut transformer le sens des événements, et comment elle explique ces lacunes.
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